Après plusieurs saisons en Roumanie puis en Hongrie, Gnonsiane Niombla a effectué son retour en Ligue Butagaz Énergie, sous les couleurs de Paris 92. Vice-championne olympique, championne du monde et d’Europe, elle livre ses sentiments notamment sur la médiatisation du handball féminin, en ouverture de la « semaine du sport féminin toujours ».
À l’instar de la Bundesliga pour le handball masculin, le championnat magyar féminin est-il une sorte d’Eldorado médiatique ?
Complètement ! Franchement avec la Roumanie et la Hongrie, j’ai fréquenté les deux championnats où le handball féminin est le plus présent dans les médias. Chaque week-end en Roumanie, tous les matches étaient retransmis, à partir du samedi midi et jusqu’au dimanche soir. En Hongrie, c’était « seulement » huit des dix matches mais c’était tout de même énorme. Même le choc entre la dernière et l’avant-dernière équipe, tu pouvais le suivre. Les Hongrois apprécient le spectacle et même si c’est diffusé à la télévision, ils aiment se rendre dans les salles. À Siofok, pourtant une petite ville, la salle était toujours pleine à craquer.
Au moment de choisir une destination, dans un club étranger, la dimension populaire entre-t-elle en ligne de compte ?
Lorsque j’ai rejoint Bucarest, cela m’a fait beaucoup de bien de jouer devant 5 à 6000 personnes. Idem, pour Siofok. Je savais l’engouement du peuple hongrois pour le handball féminin. Le public hongrois est aussi très chauvin.
Comment s’est passée ton intégration dans ton nouveau club du Paris 92 ?
C’est un nouveau défi et un nouveau chapitre dans ma vie. J’ai toujours la volonté de faire partie des meilleures mais je me trouve dans une période de ma carrière où je sais précisément qui je suis. Je n’ai plus l’obsession d’exister à tout prix. J’ai eu l’opportunité de performer au plus haut niveau et aujourd’hui j’apprécie de me situer dans la transmission avec les jeunes joueuses de Paris 92. Transmettre, je dirais même que j’adore ça et cela va au-delà de ce que j’espérais. À 31 ans, je m’entraîne toujours avec sérieux et enthousiasme alors je pense être un exemple.
Tu n’as plus été rappelée en équipe de France depuis le Mondial 2019. Comment as-tu accepté ou digéré de ne plus faire partie des plans du sélectionneur Olivier Krumbholz ?
Je ne mentirai pas sur ce que j’ai ressenti. J’ai souffert et cela a été difficile pendant quelques mois. Tu n’es pas appelée une première fois, puis une 2ème, puis une 3ème, une 4ème… C’est une sorte de deuil que tu dois faire et cela prend du temps. Tu fais partie des plus grandes et un jour cela se termine. J’accepte toutes les émotions et pour clore ce chapitre, il me faudra une bonne discussion avec Olivier, sur tout ce que j’ai pu ressentir.
Justement, à propos de ressenti, comment as-tu vécu le triomphe aux derniers Jeux olympiques ?
Avec un sentiment ambivalent. Le lendemain du titre, je suis retournée à l’entraînement et j’ai dit à mon coach, Yacine Messaoudi, que je ne me sentais pas bien. J’étais triste car j’aurais aimé y être. Pourtant la veille, je gueulais et je sautais devant ma télé car je voulais voir mes copines gagner. Il faut bien te faire une raison : tu sais au fond que tu n’y seras plus. En même temps, j’étais la plus heureuse lorsque j’ai vu Blandine (Dancette) avec l’or autour du cou. Ce sera un souvenir pour la vie. Je pense aussi à Cathy (Gabriel) qui était présente à Tokyo mais à côté et pour laquelle c’était une autre souffrance.
Lorsque tu étais encore une gamine, te souviens-tu de ta première grande émotion sportive derrière le petit écran ?
Ce qui me revient, sans hésiter, c’est la remontada de 7 buts de l’équipe de France en finale du Mondial 2003, face aux Hongroises. C’est mon premier souvenir de sport à la télé avec mon grand-frère qui était le seul à avoir une télévision dans sa chambre. J’ai le souvenir de ce petit écran. Cet épisode-là m’a fait vibrer.
Jeune fille, fût-ce un combat au sein de te famille, pour imposer ton désir de t‘impliquer dans le handball ?
J’ai la chance d’avoir été élevée par des parents très ouverts, dans une relation de confiance. Nous sommes cinq enfants, dont quatre filles et jamais je n’ai eu ce souci de traitement différent. Nous avons toutes fait du sport et je suis la seule à avoir atteint le haut niveau. Vers 13-14, lorsque j’ai souhaité intégrer le pôle espoir au lycée Jean Perrin à Lyon, j’ai le soutien entier de mes parents qui ont fait de gros efforts pour payer les frais de scolarité.
Quel est ton avis sur la future introduction de la VAR ?
Ce n’est pas un gadget, ce sera un vrai plus. Si ce sont les bonnes personnes qui visionnent les images, sans être influencées, cela ira dans le sens du jeu. Les arbitres sont des humains qui ne peuvent pas tout voir. Alors pourquoi pas faire appel à cette assistance pour limiter au maximum les erreurs.
Justement, ton compagnon est arbitre et il fait partie du groupe élite national. Récemment, dans les colonnes du Républicain Lorrain, Orlane Kanor exprimait son désir de se reconvertir dans l’arbitrage. Serait-ce une piste d’avenir pour toi ?
Mais je suis l’une des plus pénibles avec les arbitres (rires). Sérieusement, cela m’intéresserait d’avoir cette corde à mon arc. Je trouve que c’est un autre point de vue sur le sport, une autre façon d’interpréter l’activité. C’est aussi une façon d’être toujours en mouvement. Je vois bien mon compagnon préparer ses matches et faire de la vidéo. C’est un véritable métier. Mais, je ne sais pas si je pourrais repartir tous les week-ends, aller à droite, à gauche. Je trouve très bien que des joueurs et des joueuses puissent avoir accès à ces formations. Il ne faut pas griller les étapes, il faut accumuler de l’expérience car un bon joueur ne deviendra pas nécessairement un bon arbitre. Les règles sont complexes et en plus elles qui évoluent : il n’y a qu’à voir la taille du code de l’arbitrage pour s’en convaincre.
Comment va s’écrire ton avenir ?
Je suis sous contrat avec Paris 92 jusqu’en 2023. J’espère que cette fin de saison nous permettra d’atteindre nos objectifs. Je ne sais pas combien de saisons je poursuivrai car je me rends compte que je récupère déjà moins bien qu’il y a cinq ans. Mais je m’éclate et je suis heureuse de jouer au hand dans ce nouveau club. Aujourd’hui, je ne me projette pas dans le hand après ma carrière. Et si j’ai une opportunité de reconversion, le handball passera à la trappe. Me lever tôt, m’occuper de ma famille, je sais que je vais aimer alors je n’aurai pas de regrets à arrêter le hand.
Dans quelle voie souhaites-tu te diriger ?
J’ai obtenu un BAC L et j’ai suivi des cours de management du sport mais j’aurais aimé suivre des études de droit. Pour autant, je ne pense pas avoir fait les choses dans le mauvais ordre. L’intensité d’une carrière au haut niveau ne permet pas de concilier un parcours de hautes études. M’engager à Paris 92 a beaucoup compté dès lors où j’ai commencé à penser à ma reconversion. Jouer pour Paris m’ouvre énormément de portes et le plus de champs possibles. Concrètement, je ne suis aucune formation longue, simplement des petites formations qui ne sont pas diplômantes mais qui m’ouvrent sur plein de choses. La protection de l’enfance est un univers dans lequel j’ai envie d’être actrice.
Propos recueillis par Hubert Guériau