L’ancienne capitaine de l’équipe de France poursuit sa carrière au CSM Bucarest encore pour une saison avec l’ambition de remporter la Ligue des Champions. Parallèlement, Siraba Dembélé-Pavlovic prépare sa reconversion : elle a été reçue, en mars dernier, au très relevé examen d’agente sportive. Pour ce dernier entretien du lundi avant la pause estivale, celle qui fêtera demain ses 36 ans démontre toute sa pugnacité et son engagement.
Comment a cheminé cette idée de devenir agente sportive ?
L’an passé, en 2021, j’étais à un moment de ma carrière où je m’interrogeais sur ma reconversion. Je n’avais pas pris de décision arrêtée sur mon avenir. Une personne m’a proposé de travailler pour une société déjà installée, en tant qu’agent de joueur. Suite à cette sollicitation, je me suis renseignée et je me suis rendu compte qu’il fallait une licence pour exercer cette activité.
Tu t’es alors lancé le défi d’obtenir ce diplôme…
J’ai décidé de m’inscrire au concours sans réellement savoir ce qui m’attendait. Quand j’ai découvert le volume de toutes les connaissances à acquérir, j’ai compris pourquoi certains ne passaient pas le diplôme. Je me suis prise au jeu et ça m’a plu de me lancer ce défi. Ce métier me séduit et dès lors je devais obtenir cette licence, car la profession d’agente sportive est très réglementée en France.
Comment as-tu procédé pour préparer l’examen ?
L’examen est très difficile, car un certain nombre de connaissances n’ont pas grand-chose à voir avec le métier d’agente de joueur / joueuse. Seule une petite partie concerne le règlement d’agente de joueur / joueuse en France. La charge de travail est très importante et j’ai choisi une formation complémentaire, via une plateforme, pour m’aider à préparer l’examen. J’ai fait des exercices et des études de cas très précieuses pour réussir l’examen.
Comment concilier ce retour aux études avec ton activité de joueuse au CSM Bucarest, un club avec de grands objectifs, et ton rôle de maman qui te tient évidemment très à cœur ?
J’ai choisi de me faire accompagner par une personne qui m’a aidé à mettre en place des techniques de mémorisation, aussi pour bien planifier les révisions. Cette formation intensive permet de très bien préparer l’examen. La plateforme fournit tous les cours, les annales, des QCM, des études de cas. Franchement, c’est hyper bien fait. Le combiné de cette formation et l’accompagnement m’ont permis de réussir. Franchement, remettre en marche le cerveau après 15 années sans retourner à l’école (NDLR : Siraba est titulaire d’un BTS comptabilité), c’est compliqué (rires).
Comment se sont déroulées les révisions puis l’examen ?
Je me suis blessée en avril 2021 et j’ai connu une baisse de moral. J’ai repris intensément les révisions au mois de septembre avec plus de 400 pages à réviser. L’examen se déroule en deux temps. En décembre 2021 pour la première épreuve générale, avec toutes les matières telles que le droit du sport, la convention collective du sport, le droit du travail, le droit des assurances… J’avais l’impression de passer l’examen pour être avocate. Un QCM avec 18 questions et deux études de cas : c’est impossible de faire des impasses, car tous les sujets peuvent tomber. Puis la deuxième épreuve spécifique s’est tenue en mars 2022.
Qu’as-tu ressenti lorsque tu as été reçue à l’examen ?
Une vraie fierté, car ce diplôme, je suis vraiment allée le chercher. Donc quand je l’ai eu, j’ai ressenti beaucoup de bonheur. Je me suis prouvé que j’étais capable de faire autre chose que de courir après un ballon. Je veux aussi que les gens comprennent qu’un sportif de haut niveau peut faire des études de haut niveau. Avec une bonne organisation et les bons outils, on peut réussir des choses. En même temps, il faut être un peu maso pour faire tous ces efforts. J’ai d’ailleurs débuté ces derniers jours ma préparation physique pour la reprise avec Bucarest qui est programmée le 18 juillet. Parfois je me demande pourquoi je m’inflige cela ? (rire).
Une internationale avec un tel palmarès qui se lance dans cette activité, c’est inédit et fait de toi une pionnière. Quelle est ta vision du rôle d’agente sportive?
Je crois que les gens ont une vision de l’agente de joueur / joueuse qui est peut-être erronée. Cela ne consiste pas à faire signer un contrat et à prendre un pourcentage. Ma vision de ce métier est différente : je souhaite mettre en place un véritable accompagnement de la joueuse.
Avec ta longue et riche carrière en équipe de France, tes expériences dans des clubs étrangers (Danemark, Russie, Macédoine du Nord et aujourd’hui la Roumanie) et confèrent déjà des atouts…
C’est en effet important d’avoir un réseau et je crois aussi que c’est un atout considérable. Je le répète : ce qui me plaît et ce qui m’attire, c’est l’accompagnement du début à la fin avec la défense des intérêts de la joueuse. Je n’ai pas d’états d’âme et je ne vais pas entourlouper qui que ce soit. Mon rôle sera d’exposer les qualités d’une joueuse et de négocier ce qu’elle mérite tout simplement.
As-tu reçu des messages de félicitations d’autres agent.es, tes futurs confrères et concurrents ?
Oui notamment de la part de Roman Kuzmicac. Également de mon agent actuel, Andrej Golic, qui a été très présent pour moi. Il m’a beaucoup accompagné et s’est toujours montré disponible pour répondre à mes questions.
As-tu planifié la fin de ta carrière ?
Mais voyons, je vais fêter demain mes 36 ans ! (rire). Je suis aussi maman de deux garçons et en plus j’ai trouvé ce que je voulais faire après, donc ce sera d’autant plus facile d’arrêter en juin 2023.
En quoi ta grave blessure survenue en avril 2021, qui t’a notamment privée des J.O., a-t-elle influencé la suite de ta carrière ?
Revenir après une blessure n’est pas simple et je n’ai pas fait tous ces efforts pour jouer seulement une demi-saison. J’ai toujours du plaisir à m’entraîner et à jouer. Le handball est toujours présent en moi et me fait toujours vibrer. Jouer une saison de plus me rend heureuse.
La page de l’équipe de France semble définitivement tournée après le rendez-vous manqué de Tokyo ?
J’avais prévu d’arrêter ma carrière après les J.O. J’ai le sentiment de ne pas avoir bouclé mon histoire avec l’équipe de France, de ne pas avoir inscrit un point final. Cela reste douloureux, car j’aurais aimé disputer une dernière compétition, un dernier match. Pour autant, je n’en veux à personne et j’ai toujours autant de plaisir à suivre les filles.
Des coéquipières de l’équipe de France (Grace Zaadi Deuna, Laura Glauser et Kalidiatou Niakaté) viendront bientôt densifier l’effectif du CSM Bucarest. Cela doit te faire plaisir, non ?
Je suis super contente, car ce sont à la fois mes copines et de super joueuses. Avec des renforts de ce niveau-là, cela donne plus encore l’envie de continuer une année supplémentaire. J’ai toujours en moi cette hargne et ce désir de compétition. Et je peux aussi continuer à rêver à remporter la Champions League.
Dans quel cadre vas-tu exercer ton activité d’agente ?
Je suis en train de mettre en place tout cela et je serai prête en janvier prochain. Peut-être que dans le cadre d’un autre entretien du lundi, je serais en mesure d’annoncer comment s’organisera mon activité ?
Propos recueillis par Hubert Guériau