La demi-finale de l’EHF EURO 2022 face à la Slovénie vendredi à la Norvège marquera le 500e match dirigé par Olivier Krumbholz. Depuis le 11 février 1998 (avec une pause contrainte entre juin 2013 et janvier 2016), l’entraîneur de l’équipe de France incarne à lui seul la réussite d’une équipe de France qui a remporté pas moins de 4 titres (Mondiaux 2003 et 2017, Euro 2018 et J.O. 2020) pour un total de 13 médailles internationales…
Médaillée une fois sur deux
Des 26 compétitions où il a conduit l’équipe de France, la moyenne est parfaite avec pas moins de 13 médailles remportées. Si ce week-end en Slovénie, les Bleues venaient à garnir leur palmarès d’une récompense supplémentaire, le bilan serait encore plus favorable avec un 14 sur 27 ! Olivier Krumbholz revient sur quelques-unes de ces 499 pages.
Le 500e match : Demi-finale de l’EHF EURO 2022 face à la Norvège
« C’est vertigineux et surtout un grand plaisir de faire ce 500e match dans ces conditions, sur un match d’une telle importance et face à la Norvège. Maintenant, l’essentiel était de se qualifier pour le dernier carré, ce qui a été fait et bien fait. L’équipe de France est très costaude. »
Le premier match : le 11 février 1998 à Toulouse
« C’était un match de la poule de qualification à l’Euro 1998 avec l’Espagne, la Lituanie et Norvège. Nous avions débuté avec l’Espagne à Toulouse. L’image que je garde de ce match c’est qu’il était « chez Nodji » (Nodjialem Myaro, président de la LFH). Je me souviens bien aussi que le jour du match le Doc est venu me voir pour me dire : « ta capitaine s’est mis un produit dans le nez qu’il ne fallait pas : elle ne peut pas jouer. C’était Catherine Pibarot qui malheureusement a connu plus tard un destin tragique (décès en 2010 lors d’un accident d’escalade dans la Drôme). Je n’ai pas eu ma capitaine pour le premier match gagné difficilement (24-23) puis on a perdu au retour (18-23). L’EHF EURO 98, est la seule compétition pour laquelle on ne s’est pas qualifiés. »
Match après match
« Je n’ai pas compté et je suis même étonné de pas avoir plus de victoires que ça (60 %). C’est un peu étonnant quand on regarde le parcours. On a raté « seulement » trois compétitions sur 26 :
2005 – Mondial en Russie (12e)
2008 – Euro en Macédoine (14e)
2019 – Mondial au Japon (13e)
J’ai toujours mis un point d’honneur à faire des matchs amicaux face à des équipes fortes notamment face à notre meilleur adversaire, meilleure amie et ennemie, la Norvège, avec, il faut le dire, de nombreuses défaites, mais comme tout le monde. Depuis un bon moment, on ne veut trop tirer sur la corde, on a beaucoup fait tourner sur la Golden League. Quand tu ne peux pas battre un adversaire tout le temps, il faut choisir le bon moment pour le battre. »
Le match perdu que l’équipe de France aurait pu gagner
« Incontestablement, c’est le match de la place 3-4 aux J.O. d’Athènes, face à l’Ukraine. Celui-là, clairement, on aurait dû le gagner. Le coach d’en face prend rouge et on se retrouve à 6 contre 4. Le match nous tend les bras. J’ai même eu l’impression, dans cet instant du match, que même l’IHF souhaitait, parce que nous étions champions du monde, que la suite logique était la médaille olympique. On n’a pas été fichus de saisir l’opportunité que nos adversaires ont bien su saisir. »
Le match gagné que l’équipe de France aurait pu perdre
« La finale en 2003 car nous sommes menés de 7 buts à 7 minutes de la fin. Cette finale, tu le joues 100 fois et tu la gagnes une fois, et encore. Ce n’est pas faire offense à cette équipe de France de dire aujourd’hui que ce sont autant les Hongroises qui l’ont perdue plus que les Françaises qui l’ont gagnée. »
Le déplacement le plus marquant
« Il y a eu des moments particuliers. Celui qui m’a le plus marqué, ce n’est pas pour disputer un match officiel, c’est au cours de l’été 2016. Nous partions préparer les J.O. 2016 en Norvège et nous ratons la correspondance à Oslo. On se retrouve à prendre un autre avion pour atteindre Ulsteinvik mais qui nécessitera plusieurs heures de car. Nous devons emprunter plusieurs bacs pour traverser les fjords. C’est une nuit d’été avec le soleil qui se lève sur la mer, c’était magnifique. Ça a peut-être été l’un des éléments fédérateurs de l’équipe. C’était un moment très particulier où la beauté des sites nous a mené vers une certaine forme de philosophie. »
Le déplacement le plus périlleux
« J’ai le souvenir d’un retour du Danemark, je crois à la fin de l’EHF EURO 2010. Il neigeait et en une journée, ce que l’on a vécu, est inimaginable. L’avion est reporté puis annulé et finalement on embarque. On part enfin de Copenhague et on fait demi-tour. Le pilote nous dit : « vous avez peut-être remarqué que le soleil a changé de côté. C’est normal nous retournons à Copenhague car nous ne pouvons pas atterrir à Roissy, il y a trop de neige. » Je n’avais jamais vu ça. Bref, cet avion que nous devions prendre à 06h du matin, nous l’avons finalement pris à 20h. »
Un match le plus marquant, au-delà de l’intérêt sportif
« J’ai le souvenir du jour de la demi-finale du Mondial 2011 au Brésil, face au Danemark. Allison Pineau était en train de casser la baraque et elle se pète le genou au bout de 30 secondes de jeu. Derrière, il y a eu la performance d’Alexandra Lacrabère qui a fait le meilleur match que je l’ai vu faire avec nous. Elle nous a porté pour aller en finale. C’était un match extraordinaire (victoire 28-23). À la fin, il y avait le tumulte des sentiments avec la joie d’aller en finale et notre déchirement de voir notre meilleure joueuse qui pleure avec son genou en vrac, à six mois des Jeux. »
La plus grosse colère dans le vestiaire
Il y en a eu quelques-unes. J’ai le souvenir de ma colère et de mon amertume à la fin du match de la place 3-4 à Athènes. J’ai fait tout le bilan des J.O. dans le vestiaire car après tout le monde parfait. Même si je pense que j’avais raison mais ce n’était pas le moment. Je ne le ferai plus aujourd’hui. »
Le plus grand souvenir dans le vestiaire
« J’ai un souvenir extraordinaire dans le vestiaire à Sydney. Lors du premier match, on prend une volée monumentale face à la Corée. On est mené 15-3 à la mi-temps et naturellement on perd le match (25-18). Derrière on joue la Hongrie, on mène longtemps et c’est l’une des seules fois où je me suis fait piéger par une défense 1-5. Il existait une très grande tension dans l’équipe à ce moment-là entre deux groupes de filles. La ministre des sports (Marie-George Buffet) arrive avec son conseiller (Joël Delplanque) pour voir les filles qui sont quasiment toutes en pleurs. Elle les embrasse alors une par une alors qu’elles n’étaient pas douchées et encore en pleine transpiration. La ministre a fini trempée. C’était un moment impressionnant. »
Le pire souvenir
« Lors du Mondial 2007, à Bercy, lors du quart de finale face à la Roumanie (31-34 a.p). Cela a été terrible. C’est le pire moment de ma carrière. La salle était pleine, toute ma famille était là, mes enfants, qui étaient petits, pleuraient. »
Le titre le plus marquant
« Celui qui m’a le plus marqué, c’est forcément le premier. Quand tu connais alors le parcours de l’équipe de France et même le mien avec quelques sélections en équipe de France, je pouvais difficilement imaginer cette carrière-là. Mais celui qui représente le plus la plénitude, le plus la maîtrise, c’est celui des J.O. de 2020. Battre les Pays-Bas de 10 buts en quarts de finale (32-22), alors que nous n’étions pas sur un parcours particulièrement brillant jusque-là, puis derrière, maîtriser la finale contre les Russes, c’était remarquable. »
Un autre bon moment ?
« Derrière, quand on retourne à Bercy en 2018 dans cette salle où les garçons ont tout gagné. Il y a toujours cela qui pèse sur nous. On est un peu le canard boiteux de la maison. Si on perd encore ce jour-là, on va encore dire que l’équipe de France féminine est le sous-produit des garçons. On organise le Mondial pour les garçons et ils gagnent. Après un tel engouement, on fait la même chose pour les filles avec l’Euro 2018… Alors le fait de maitriser aussi ce match face aux Russes… Avec l’anecdote du carton rouge d’Allison Pineau, le public a littéralement pris feu. Ça aussi, c’était un très bon moment. »
Hubert Guériau