le titre de la consécration

L’équipe de France féminine a exaucé son vœu le plus tenace : remporter les Jeux olympiques, la seule compétition qui lui résistait encore. Après un tour préliminaire complexe, les joueuses d’Olivier Krumbholz ont enchaîné des prestations qui ont renvoyé très loin la concurrence. La proximité des Jeux de Paris avec un collectif qui pourrait encore se bonifier, rend impatient tous ceux qui ont vibré avec cette bande de meufs. Par Hubert Guériau.

La préparation à Capbreton, pourtant minutieusement organisée, ne s’achève pas avec les meilleurs signaux. Arrivée de Györ avec une blessure à la cheville, Estelle Nze-Minko a été remise sur pied par le staff médical mais Alexandra Lacrabère et Océane Sercien-Ugolin sont diminuées, respectivement aux adducteurs et à la cheville droite. Avant que le groupe ne se sépare une poignée de jours, Olivier Krumbholz annonce son collectif de 17 joueuses et choisit de placer Océane Sercien-Ugolin en 16e position, avec Catherine Gabriel fidèle partenaire d’entrainement aussi à Tokyo. Avant de quitter les Landes, l’équipe de France s’est nettement inclinée puis a fait match nul avec la Norvège. Le doute ne s’est pas instillé dans les têtes mais il reste du travail pour optimiser l’ensemble avant un bref passage à la Maison du handball et le départ vers le Japon. Les deux collectifs sont rassemblés mais les protocoles diffèrent alors c’est seulement à Koshu que le handball français sera regroupé. Les deux équipes affrontent le Japon : les garçons s’imposent largement et le lendemain, les filles ne se privent pas de les imiter (41-20). Les sourires gagnent les visages des Bleues qui ont récupéré du décalage horaire. Venues au Japon dix-huit mois plus tôt en raison du Mondial de Kumamoto, elles avaient aussi disputé la Japan Cup pour découvrir le Yoyogi National stadium. Dans ce splendide vestige des J.O. de Tokyo de 1964, elles signent un nouveau succès (31-30) face au Monténégro pour boucler une préparation entamée un mois plus tôt. « Sur les deux derniers matches, on a passé un vrai cap. Naturellement, on tente des choses, il y a de la fluidité. Je trouve que le contenu est pas mal, abonde Estelle Nze-Minko. On a pris beaucoup de buts mais on a fait un match complet. On a eu l’opportunité de jouer un money-time, c’est cool, on a bien travaillé. L’excitation monte tout doucement et on va participer à la cérémonie d’ouverture. Cela va officialiser notre arrivée ici. » Le handball français sera représenté, sur le tour de piste, pour la première fois par son collectif féminin car à Tokyo ce sont les garçons qui inaugurent la quinzaine. Un point commun avec les autres sports-co.

Le tirage au sort qui a réparti les douze équipes dans les deux groupes n’a pas épargné l’équipe de France. Avec cinq formations européennes, la qualification pour les quarts de finale ne sera pas un long fleuve tranquille. « On veut être au top d’entrée pour ne pas se faire peur et prendre des points le plus vite possible, espère Olivier Krumbholz qui estime son équipe au point pour démarrer le tournoi. On va jouer une poule d’enfer et il ne faut penser qu’à en sortir. Aucune des 6 équipes n’envisage de faire 5e ou 6e. »Les Bleues débutent par une courte victoire (30-29) face à de tenaces hongroises mais pour une entrée en matière, il faut s’en satisfaire. « Une victoire difficile mais une victoire que l’on prend, résume parfaitement la meilleure marqueuse du match(10 buts), Grace Zaadi-Deuna. C’est un match que je trouve maîtrisé mais on a eu des trous d’air. La gestion du rythme et du score sont des axes de travail. Moi qui suis une perfectionniste, ce soir je me moque de la manière. J’ai envie de savourer cette victoire car ce n’était pas simple. » Affronter l’Espagne, c’est la certitude de vivre une rencontre âpre où chaque ballon sera une bagarre. Les vice-championnes du monde 2019 ont des revanches à prendre et ne se privent pas de briser l’élan tricolore. Elles imposent leur rythme et se détachent pour l’emporter 28-25. « Je pense que l’on ne peut pas prétendre à mieux ce soir, analyse avec lucidité Allison Pineau. Défensivement nous avons vraiment eu du mal à trouver la parade. Offensivement, il ne faut pas se cacher, il y a eu beaucoup de tirs hors cadre. On parle beaucoup de l’attaque mais la défense, c’est l’ADN de notre équipe. Il faudra régler ça face à une Suède conquérante avec ses jeunes joueuses insouciantes. Il va falloir sortir les crocs. » Le rythme des matches est très soutenu car si les Bleues jouent un jour sur deux, les trois premiers duels sont programmés à 21h30 et forcément la nuit est largement entamée au retour au village olympique. La préparation du match suivant est d’autant plus décalée et la fatigue gagne déjà un collectif jamais avare de réunions. Avec moins de 30 minutes de jeu en deux matches, Alexandra Lacrabère n’est pas en mesure d’apporter toute son énergie et de distiller des passes millimétrées. Olivier Krumbholz fait appel à Océane Sercien-Ugolin qui a retrouvé son intégrité physique. La Paloise reprend l’avion pour Paris le cœur très lourd.

Même sans Bella Guldlen qui a renoncé à poursuivre sa carrière internationale jusqu’aux J.O, les Suédoises affichent un ensemble cohérent. Les vice-championnes d’Europe déroulent leur partition en première période jusqu’à compter 5 buts d’avance avant de connaître une panne d’efficacité. Le match est alors en équilibre parfait et tout près de basculer positivement jusqu’à ce que Grace Zaadi-Deuna manque complètement un jet de 7m, sur le gong, qui aurait offert la victoire. Match nul (28-28) et un petit pas de plus effectué vers les quarts. « C’est le même problème que d’habitude, on n’arrive pas à tuer les matches. On fait 20 premières minutes supers et on a plein d’occasions, à 6m, que l’on ne met pas dedans, souligne Béatrice Edwige toujours généreuse en zone mixte. Dans le money-time, on a fait des défenses héroïques avec Cléopatre Darleux qui ferme la boite derrière. Je n’ai même pas envie de m’arrêter sur le dernier penalty car il est anecdotique, plutôt sur pourquoi nous n’arrivons à creuser l’écart et à enfoncer l’adversaire quand on mène +5. » Olivier Krumbholz dédramatise et lâche : « Aujourd’hui personne n’est à l’abri dans cette poule. Je trouve que sur ces trois premiers matches, prendre trois points, ce n’est pas négatif. »

À l’issue du 4e match du tour préliminaire, un vent d’inquiétude gagne les rangs tricolores. L’équipe de France n’a pas réussi à s’imposer (27-28) face au Comité olympique russe, déjà son vainqueur en finale à Rio en 2016. La défaite met les Bleues au pied du mur : la victoire face au Brésil devient impérative pour accéder aux quarts de finale. « À chaud, c’est très dur de parler. On n’a plus le choix, admet la capitaine Coralie Lassource qui traverse, en responsabilité, sa première épreuve majeure après une courte apparition à l’Euro 2020. Il faudra battre le Brésil pour passer en quarts. J’ai confiance en cette équipe. Les prochaines heures seront dures. D’ici à ce soir, il faudra se remobiliser. Puis on va travailler dur car on a des difficultés et on ne sait pas comment les régler. » Le constat est posé et c’est déjà un début de réponse. S’il manque un soupçon d’énergie et de précision au moment de conclure les matches, le jeu des Bleues ne s’est pas délité au point de craindre un Brésil qui n’est plus que l’ombre de la redoutable formation sacrée championne du monde en 2013. Les Bleues retrouvent leurs vertus offensives et défensives avec une première mi-temps où Coralie Lassource et Océane Sercien-Ugolin régalent le tableau d‘affichage. L’équipe de France creuse l’écart à la mi-temps (18-11) et ne sera plus rejointe (29-22). « Cela fait plaisir de se qualifier pour les quarts. Il a fallu patienter jusqu’au dernier match du premier tour pour se qualifier, alors forcément on savoure. On a abordé ce match comme un huitième de finale. Nous avons eu une réunion hier qui a été très constructive, confie la capitaine qui ne dévoile pas l’intimité du groupe mais indique tout de même : cette journée restera gravée dans la mémoire de toutes les filles présentes. C’est secret mais on s’est libérées d’un gros poids. Cela s’est vu sur le terrain aujourd’hui, je crois. »

À Rio, la rencontre face aux Néerlandaises avait livré un suspense insoutenable dénoué par Laura Glauser qui avait réalisé une entrée tonitruante. Cette fois, c’est Amandine Leynaud qui a éteint, à elle seule, les championnes du monde coachées par Emmanuel Mayonnade. Deux entraîneurs français se font face, une première dans le tournoi féminin des Jeux olympiques. L’entraîneur de Metz a déjà posé deux temps-morts après 10minutes devant l’ampleur du score : 10-3 pour les Bleues qui n’imaginent pas s’arrêter en si bon chemin. Avec 8 buts d’avance après 30 minutes (19-11), la tendance est toujours très favorable et les Bleues enfoncent le clou face à des Néerlandaises méconnaissables d’autant plus qu’Amandine Leynaud sort plus d’un ballon sur deux (22 arrêts à 51 %). Les Bleues filent en demi-finales à très vive allure (32-22). « J’ai senti dès le début du match que les filles lisaient bien ce que préparait nos adversaires, pour les faire bafouiller, rapporte la célèbre Doudou. J’ai fait 2-3 arrêts au début qui m’ont mis en confiance puis derrière j’arrive à lire toutes les situations. Je sens une montée en puissance à chaque match. Je suis fière de l’équipe. Entre nous il y a du travail, du travail, du travail, et à un moment donné, ça paie. » Trois des quatre équipes demi-finalistes sont issues de la poule de l’équipe de France qui retrouve la Suède pendant que la Norvège, favorite du tournoi, se frotte aux Russes tenantes du titre. Le match tient toutes ses promesses avec des temps forts et faibles de part et d’autre mais à la fin c’est la France qui gagne avec la marge suffisante pour s’éviter des souffrances superflues (27-25). « Honnêtement, j’étais un peu paniquée car on n’arrivait pas à se détacher. Les minutes passaient et dès qu’on a tenu le bon bout du match, on n’a plus lâché, sourit Pauletta Foppa, 20 ans et benjamine de la délégation.  Nous sommes toutes différentes, avec des cultures différentes, des qualités différentes. Notre force ce sont les anciennes, les jeunes. On s’entend toutes bien et dans un collectif c’est essentiel. »

Souvenez-nous de cette finale olympique 2016 où les Bleues avaient manqué d’énergie au moment de chercher l’or (19-22). Depuis, les Bleues ont pris une revanche éclatante en dominant l’équipe du bouillant Evgueni Trefilov, en finale à de l’Euro 2018, dans une Accorhotels Arena bouillante. À Tokyo, il y a 10 jours, la bande à Viakhireva a dominé, d’une courte tête (28-27) une escouade tricolore pas tout à fait rodée. « On est capables du pire comme du meilleur. L’important c’est de commencer par le pire et de terminer par le meilleur », s’amuse Laura Flippes qui enfile les buts depuis sur le poste d’arrière droite. L’histoire s’écrit ensemble : les garçons, tout frais champions olympiques, sont venus garnir la tribune officielle du Yoyogi. Le jeu des Bleues est flamboyant depuis leur succès face au Brésil. L’armada russe ne résiste pas à la dynamique irrésistible de Grace Zaadi-Deuna et de ses partenaires qui plient la finale au coeur de la 2e période. Ce n’est pas seulement la défense qui est exceptionnelle mais l’attaque tricolore qui martyrise les gardiennes du Co Russe. Avec 9 arrêts sur 17 (53 %) après 54 minutes, Cléopatre Darleux réalise une performance qu’elle racontera plus tard à sa petite Olympe née à l’automne 2019. Les Bleus s’imposent 30 à 25 et célèbrent joyeusement ce sublime succès. Elles sont bien championnes olympiques, une issue inattendue après un premier tour compliqué, un dénouement logique depuis la fin du tour préliminaire. Depuis la fameuse réunion qui a précédé le 5e match, les Bleues sont apparues transfigurées jusqu’à parfaitement dominer leur sujet et devenir championnes olympiques. « C’est une merveilleuse récompense pour tout le monde. C’est un résultat à la hauteur de l’investissement, apprécie Olivier Krumbholz. Je constate que cette victoire est la victoire du travail : le staff travaille énormément et les joueuses travaillent aussi beaucoup ; cela leur donne de l‘autonomie dans l’analyse. Ce qui se décide a toujours plus de forces entre elles qu’entre le staff et les joueuses. »

résultats

Tournoi olympique :

Poule A : Pays-Bas – Monténégro – Norvège – Japon – Corée-du-Sud – Angola
Poule B : Espagne – Russie – Hongrie – Suède – France – Brésil

Tour préliminaire :

Dimanche 25 juillet : Hongrie – France : 29-30 (12-15)
Mardi 27 juillet : France – Espagne : 25-28 (12-12)
Jeudi 29 juillet : Suède – France : 28-28 (16-17)
Samedi 31 juillet : CO Russie – France : 28-27 (15-17)
Lundi 2 août à : France – Brésil : 29-22 (17-11)

Quarts de finale – mercredi 04 août :
Monténégro – CO Russie : 26-32 (15-17)
Norvège – Hongrie : 26-22 (12-10)
Suède – Corée-du-Sud : 39-30 (12-13)
France – Pays-Bas : 32-22 (19-11)

Demi-finales – vendredi 06 août :
Norvège – CO Russie : 26-27 (11-14)
France – Suède : 29-27 (15-14)

Finales – dimanche 8 août :
Places 3-4 : Norvège – Suède : 36-19 (19-7)
Finale : CO Russie – France : 25-30 (13-15)

Classement final :
1/ France 2/ CO Russie 3/ Norvège 4/ Suède 5/ Pays-Bas 6/ Monténégro 7/ Hongrie 8/ Corée-du-Sud 9/ Espagne 10/ Angola 11/ Brésil 12/ Japon

PHÉNOMÉNALE

L’équipe de France masculine n’avait plus disputé – et donc remporté – de finale depuis 2017 et sa victoire phénoménale dans un Mondial taillé sur mesure. Quatre ans après, dans le glacial Yoyogi National Stadium de Tokyo, les Bleus ont décroché le 3e titre olympique et donné une ampleur phénoménale à leur palmarès inégalé. Par Hubert Guériau.

Lorsque les 21 joueurs convoqués se retrouvent à la Maison du handball, le 23 juin, ce sont d’abord des tests médicaux qui rythment les premières heures du stage. Ce fichu virus est toujours omniprésent et un cas positif à la Covid-19 pourrait altérer considérablement la vie de groupe, voire remettre en cause la participation aux Jeux olympiques. Le docteur Pierre Sébastien n’aura de cesse de rappeler les mesures sanitaires pour préserver l’intégrité du groupe. Le respect scrupuleux des consignes n’est finalement pas si contraignant : les joueurs et le staff sont placés sous la bulle étanche de la Maison du handball. Et même après la courte victoire (31-30) face à l’Égypte à Coubertin (Paris) lors des retrouvailles avec les supporters, le groupe continue à vivre en vase-clos. Ce matin du 05 juillet, Guillaume Gille a annoncé le groupe qui partira pour le Japon. Les choix sont conformes à ce que la préparation a démontré : le niveau de forme physique au prix d’efforts qui forcent le respect, l’historique en sélection, la complémentarité, l’engagement et la contribution au jeu de l’équipe. Romain Lagarde et Rémi Desbonnet officient comme remplaçants dans une position envieuse pour participer à l’aventure olympique. Dix-sept joueurs s’envolent ainsi le 12 juillet vers le Japon après avoir satisfait aux ultimes tests. Le voyage s’étire sur 24 heures mais la qualité de l’accueil à Koshu fait rapidement oublier les péripéties d’une arrivée très contrainte par le protocole sanitaire. La province de Yamanashi a déployé des moyens importants pour accueillir l’ensemble de la délégation tricolore. Récupérer du décalage horaire, s’acclimater au climat chaud et humide, bien s’entraîner sans toutefois puiser dans le capital physique bâti à Créteil, rythment la première semaine au pays du soleil levant. La large victoire (47-32) face au Japon valide les progrès d’une équipe de France qui progresse à chacune de ses sorties. Et ce n’est la défaite (28-33) face au Danemark, lors de l’ultime match de préparation, qui perturbent les Bleus installés depuis la veille au village olympique.

Le calendrier avait offert de jouer les deux premiers matches en matinée, c’est-à-dire en pleine nuit en France métropolitaine. Face à l’Argentine puis devant le Brésil, les Bleus jouent à leur main et cumulent deux victoires. Dans un Yoyogi stadium si majestueux et si tristement vide, Ludovic Fabregas apprécie : « nous avons gagné nos deux premiers matches, ce que nous devions réaliser au regard de notre statut et de nos objectifs puisqu’on prétend à jouer des quarts de finale et à aller chercher des médailles. Nous sommes très satisfaits de ce début de tournoi et maintenant nous allons monter d’un cran avec notre prochain adversaire, l’Allemagne. » Les Bleus réussissent leur premier exam de passage face à l’un des gros bras de la planète handball. Les hommes de Guillaume Gille prennent le large (+7 après 24’) mais c’est insuffisant pour boucler le match sereinement. Les Bleus s’imposent au bout d’un money-time irrespirable (30-29) avec une dose de confiance supplémentaire. « Cette victoire est significative. Nous avons très bien débuté le match. C’est positif de repartir de l’avant alors que les Allemands ont remonté un écart de +7. Cela aurait pu être rédhibitoire de nous faire remonter ainsi. On a gagné en faisant des erreurs ; cela veut dire que nous avons une marge de progression. À nous maintenant d’aller chercher le meilleur classement possible », visait alors Vincent Gérard déjà concentré sur la 2e partie du tour préliminaire. L’Espagne avait privé l’équipe de France de la médaille de bronze lors du Mondial égyptien. Après trois matches, les deux formations comptent trois victoires et sont à la lutte pour la première place du groupe. L’équipe de France réussit alors son match le plus abouti et s’impose dans les grandes largeurs (36-31) et marque les esprits dans un tournoi qui traditionnellement ronronne en première semaine. « Gagner contre l’Espagne, double championne d’Europe en titre, c’est satisfaisant mais ce n’est pas une victoire qui va nous faire prendre la grosse tête, relativise Dika Mem. C’est facile de jouer avec Nedim, un très bon joueur. On a pu atteindre la 4e place du Mondial, sans s’entraîner, et là avec un mois de préparation, on a peaufiné notre relation sur le terrain. Je crois que cela se voit et que l’on continuera comme ça jusqu’aux matches importants. » De match important le 5e match face à la Norvège est devenu anecdotique. L’équipe de France est assurée de terminer premières tandis que la Norvège doit assurer sa place en quarts. Les Bleus ne forcent pas leur talent et finissent par s’incliner (29-32) mais ce n’est pas le score qui retient l’attention. Timothey N’Guessan est blessé (lésion du mollet droit grade 2)et inapte pour 14 jours. Hugo Descat a lui aussi ressenti une gêne musculaire et a mis le clignotant au cœur de la 2e mi-temps. L’inquiétude gagne les rangs tricolores. « Hugo a une lésion minime des adducteurs, nécessitant soins et repos minimal, permettant de le garder dans le groupe », complète le Dr Pierre Sébastien le lendemain au moment où le staff annonce l’entrée de Romain Lagarde et le retour dans les 14 de Melvyn Richardson. Les Bleus filent en quarts de finale et une affiche totalement inédite aux J.O. et seulement un deuxième face au Bahreïn 10 ans après le large succès (42-17) au Mondial suédois de 2011.

Qualifié surprise devant le Japon et surtout le Portugal, le Bahreïn s’avance fièrement et, dans le camp tricolore, la méfiance est donc de mise. « L’équipe du Bahreïn aurait pu se retrouver avec deux victoires à l’issue de ses deux premiers matches, faisait remarquer Guillaume Gille qui prévient : elle a posé des problèmes à quasiment tous ces adversaires. Elle a peut-être moins de références internationales mais elle aligne une défense dynamique et beaucoup de fraîcheur. » Si le match est programmé à un horaire très matinal (09h30 à Tokyo), les Tricolores sont bien mobilisés. « On va bien étudier cette équipe pour éviter tout problème, confiait alors Valentin Porte capitaine face à la Norvège puisque Michaël Guigou avait été laissé au repos. Elle dispose aussi d’un très bon coach qui a de l’expérience. Cette équipe a montré de la combativité et elle est atypique. Elle pose des problèmes en défense. »

Sans jamais se faire peur, l’équipe de France prend la mesure, sans trembler, de l’équipe managée par l’Islandais Aron Krist Jansson. Le score s’égrène tel un métronome (21-14, 21-14) et les Bleus filent en demies, là où s’effectuera la distribution des médailles. Le capitaine Michaël Guigou tient sa quatrième demi-finale olympique, une présence invraisemblable à ce niveau. « Quand on voit le nombre de buts qu’avait pris le Bahreïn jusque-là, c’est vrai que notre attaque a été fluide. Le fait d’avoir deux « sept », cela marche bien. Quand il y a des rotations en 2e mi-temps, quand Dika et Nedim reviennent, on voit que cela fonctionne bien. On applique les stratégies apprises avec le nouveau staff, et cela fonctionne plutôt bien. » Quelques heures plus tard, l’Égypte, déjà remarquable lors de son Mondial, domine de la tête et des épaules l’Allemagne. De l’autre côté, le double champion d’Europe espagnol fera face au double champion du monde danois. Victorieux des Égyptiens avant de s’envoler vers le Japon, les Bleus n’ont pas besoin d’être alertés : le champion d’Afrique est une redoutable et rugueuse formation qui joue un handball riche, bien loin de l’image caricaturale d’une défense étagée. « Peut-être que certains s’étonnaient de sa présence en demies mais nous savions la qualité de cette équipe d’Égypte et on l’a encore vu ce soir, soufflait Luka Karabatic à la sortie d’un match où la médaille attendue par tout le handball français scintillait déjà. Les deux équipes sont restées dos-à-dos jusqu’à la 42e minute (18-18) avant que les Bleus ne se détachent inexorablement pour l’emporter 27 à 23 avec le retour précieux de Hugo Descat, dont la motivation n’a dégale que sa vitesse sur le côté gauche. C’est du bonheur ce soir et énormément de plaisir, poursuivait le cadet de Karabatic. Un peu de soulagement aussi car il y a énormément de tensions sur une demi-finale. Ce match a été un énorme combat face à une très belle équipe. Il a fallu puiser dans nos réserves et se battre pendant 60 minutes pour les faire plier. Au-delà du résultat, c’est la manière qui nous rend heureux. Une demi-finale dans laquelle Vincent Gérard s’est particulièrement distingué (17 arrêts). Je ne suis pas étonné de la performance de Vincent qui est un grand champion. Ce soir on a essayé de se mettre à son diapason en étant présent dans tous les duels pour lui faciliter le travail. Il nous a fait du bien. » Guillaume Gille continue à s’appuyer sur l’intégralité d’un groupe qui selon l’expression, consacrée, vite parfaitement bien ensemble. À 48h du dénouement du tournoi olympique, les voyants sont au vert avant d’affronter l’ogre danois victorieux de la Roja.

Alors que les basketteurs et les volleyeurs français sont aussi en finale olympique, ce sont les handballeurs qui donnent le la en prenant une revanche éclatante face à leurs bourreaux de Rio. Les Bleus disposent de quatre buts à la mi-temps (14-10) puis de +6 dès le retour des vestiaires. L’escouade tricolore résiste et finit par prendre poser la main sur la médaille d’or avec deux bits d’avance (25-23) alors que les Danois ont bafouillé, dans les derniers instants de la finale, une balle d’égalisation. La défense tricolore, sublime de solidarité et d’efficacité, à museler les artilleurs scandinaves et en particulier de Mikkel Hansen. Au-delà du succès phénoménal, un troisième sacre olympique, c’est un véritable collectif qui a permis de construite un succès que peu promettait à Guillaume Gille à son arrivée en janvier 2020. Des cris, des larmes, des embrassades et des étreintes animaient le Yoyogi stadium privé des spectateurs. Seuls les membres de la famille olympique et les journalistes ont assisté à la formidable renaissance de l’équipe de France masculine. « Offensivement, le Danemark est une équipe monstrueuse. On les avait étudiés mais une fois sur le terrain, ça va très vite, avec une qualité de passes incroyable, des joueurs de grand talent… Mais on leur est rentrés dedans intelligemment et on les a étouffés petit à petit. C’est génial parce que ça faisait très longtemps qu’on n’avait pas dominé comme ça le Danemark. On a retrouvé une équipe investie et concentrée. Et de match en match, notamment avant la demie et la finale, j’ai senti des mecs vraiment investis, dans l’échange, dans le partage. On avait évidemment tous à cœur de bien faire mais il y avait quelque chose en plus qui se passait », souriait Valentin Porte pourtant sérieusement blessé aux abdominaux pendant la finale. Pour Luc Abalo, Michaël Guigou et Nikola Karabatic, cette quatrième médaille olympique les propulse au firmament du sport français et mondial. « Trois fois champion olympique, quatre médailles, c’est fou, c’est un palmarès de nageur ! (rires) J’ai du mal à réaliser ce qu’on a fait et cette médaille, c’est peut-être aussi le fait que la salle soit vide, relevait Nikola Karabatic alité en décembre dernier en raison d’une embolie pulmonaire. On ne s’habitue jamais à la victoire, autrement je ne serais pas là aujourd’hui. Je suis tellement fier, fier pour l’équipe car il y a beaucoup de joueurs qui n’étaient pas champions olympiques, d’autres qui ont connu la campagne de Rio où on était sur la deuxième marche. C’est mérité car on a bossé dur et je suis fier aussi individuellement par rapport à mon parcours, à ma blessure, d’être revenu. Avoir pu être là, avec l’équipe, c’est génial, je n’ai pas de mots. » Pour le capitaine Michaël Guigou qui aura franchi cette saison la barre des 1000 buts, des 300 sélections et remporté un 10e titre international, l’émotion est aussi immense.« Je me sens forcément heureux. Là, je suis plus serein qu’avant le match. Quand tu pars pour ton dernier match, ton dernier combat, tu n’as pas envie de le rater. En tant que capitaine, je devais mener le groupe vers la victoire, c’était beaucoup d’émotions et cette médaille vient récompenser l’ensemble de ma carrière avec l’équipe de France. Je suis très heureux, je la partage aussi. Moi je suis en chambre avec Luc, partager ça avec un copain c’est très, très fort. Et de se tourner vers le futur. « L’équipe de France, dans les années à venir, que ce soit au niveau masculin ou féminin, est prête pour durer. Tout est fait, tous les efforts au niveau fédéral sont là, la culture de la gagne est là. Après ça continue, ce n’est pas pour rien qu’un Expert est venu encadrer l’équipe de France aussi, on se transmet le flambeau années après années. Ça va continuer, vous voyez les jeunes joueurs qui arrivent, ils brillent en club et vont venir filer plus qu’un coup de main à l’équipe de France qui sait aujourd’hui comment gagner. Tout l’avenir est devant elle. »

résultats

Tournoi olympique :

Poule A : Norvège – France – Allemagne – Brésil – Espagne – Argentine
Poule B : Danemark – Suède – Portugal – Japon – Égypte – Bahreïn

Tour préliminaire :

Samedi 24 juillet : France – Argentine : 33-27 (12-10)
Lundi 26 juillet : Brésil – France : 29-34 (13-16)
Mercredi 28 juillet : France – Allemagne : 30-29 (16-13)
Vendredi 30 juillet : France – Espagne : 36-31 (18-12)
Dimanche 1er août : Norvège – France : 32-29 (15-15)

Quarts de finale – mardi 03 août
France
– Bahreïn : 42-28 (21-14)

Allemagne – Égypte : 26-31 (12-16)
Suède – Espagne : 33-34 (20-18)
Danemark – Norvège : 31-25 (13-12)

Demi-finales – jeudi 05 août :
France – Égypte : 27-23 (13-13)
Espagne – Danemark : 23-27 (10-14)

Finales – samedi 07 août :
Égypte – Espagne : 31-33 (16-19)
France – Danemark : 25-23 (14-10)


Classement final : 1/ France 2/ Danemark 3/ Espagne 4/ Égypte 5/ Suède 6/ Allemagne 7/ Norvège 8/ Bahreïn 9/ Portugal 10/ Brésil 11/ Japon 12/ Argentine