Dans exactement 42 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. Neuvième épisode avec « Le bouquet final ».
TOKYO 2021 – FEMMES
Le bouquet final !
Il ne lui reste peut-être que cette heure sentencieuse à vivre. Les soixante dernières minutes d’une carrière intense. Immense. Alors Amandine Leynaud s’est apprêtée. Elle a troqué sweat et survêt pour cet habit de lumière qu’elle revêt dans les occasions solennelles.
La gardienne des Bleues a trente-cinq ans ce 4 août 2021. Déjà deux-cent cinquante et une sélections. Elle sait l’enjeu. N’ignore rien de la complexité de ce quart de finale face aux Pays-Bas. Elle se souvient que lors du Mondial précédent, les Néerlandaises avaient achevé la compétition avec l’attaque la plus prolifique, que Lois Abbingh, la meilleure marqueuse du tournoi, avait joué avec les nerfs de toutes les gardiennes.
Lorsque Mads Hansen et Jesper Madsen donnent le coup d’envoi au Yoyogi National Stadium, elle se méfie évidemment de ces championnes du monde aguichantes. « C’est très paradoxal parce qu’on n’a pas réalisé une première partie convaincante, sourit-elle, mais je sens une forme de confiance dans le groupe au début de ce match. Je le dis sans arrogance, mais l’on n’a pas peur. Pour ma part, j’ai évidemment conscience que tout peut s’arrêter là, mais je ne m’en sers pas comme d’une source de motivation supplémentaire. J’ai juste envie de prendre du plaisir. Encore un petit peu. »
Elle sait, bien sûr, que les gardiennes, cette fois encore, auront un rôle déterminant. Tess Wester vit des premières minutes compliquées. Amandine Leynaud, elle, détourne un premier tir de Dione Housheer, puis repousse les tentatives de Nycke Groot et Lois Abbingh. Elle est dans son match, impassible. Au quart d’heure de jeu, elle a déjà réalisé neuf arrêts à un hallucinant 75% de réussite, mais aussi distillé trois passes décisives dont Coralie Lassource et Pauline Coatanea se sont pourléchées. Un cinglant 7-0 permet aux Bleues de passer de 5-3 à 12-3. Les Néerlandaises sont abasourdies. Ce quart de finale est à sens unique. La statistique est ébouriffante. 22% arrêts pour Amandine Leynaud, à 51%. Laura van der Heijden est à 0/4, Inger Smits à 2/9, Nycke Groot à 3/7. « Clairement, identifie-t-elle, ce genre de sensation ne t’arrive que cinq ou six fois dans une carrière. J’ai du mal, encore aujourd’hui, à décrire précisément ce que j’ai ressenti. J’avais le sentiment de tout voir, de savoir comment l’enclenchement allait se dérouler. J’anticipais, comme si je réussissais à lire chacun des tirs, chacune des intentions, les contre-informations. En fait, j’avais une avance sur tout. »
Elle dit que c’est le genre de moment « que tu cherches à vivre tout au long de ton parcours en équipe de France ». « À la fin, se souvient-elle, j’ai partagé la joie des copines, c’était une forme d’excitation soudaine, agréable, mais je me suis aussi laissé griser par le fait qu’il me restait deux autres matchs à vivre, et que je pourrais profiter encore, et pourquoi pas donner un tournant vraiment majestueux à ce final. »
Les filles ont remporté la finale. Amandine Leynaud a tiré sa révérence les larmes aux yeux. « Elles m’ont demandé de remettre moi-même les médailles à celles avec qui j’avais eu l’honneur de traverser ces vingt années de bonheur. C’était juste extraordinaire. Clore le chapitre émotionnel de toutes ces années en prenant le temps de savourer et de dire merci fut un moment hors du temps. »