l’épopée des barjots

Organisé depuis 1938, le championnat du monde de handball 1995 se déroule pour la première fois en Islande. Médaillée de bronze aux Jeux olympiques de Barcelone puis médaillée d’argent au Mondial 1993 en Suède, l’équipe de France se présente en Islande en prétendante au titre. Stéphane Stoecklin raconte les temps forts de son deuxième championnat du monde. À Reykjavik, il inscrit 48 buts dont 8 en finale, depuis son poste d’arrière droit (meilleur buteur de l’équipe de France) pour conquérir le premier titre de l’histoire du handball français. 1995 où la première des six étoiles. Par Hubert Guériau.

21 mai 1995. Ce dimanche printanier, c’est depuis un territoire méconnu, l’Islande, que les téléspectateurs découvrent leurs nouveaux héros. L’émotion est considérable. Jamais une équipe de France de sport collectif n’est devenue championne du monde. Avant Aimé Jacquet, il y eut Daniel Costantini qui incarne un savant mélange de compétence, d’ambition et d’autorité, un charisme et un verbe convaincant aussi. Dix ans après son arrivée à la tête des Bleus, le Marseillais a gagné son pari et contribué à l’éclosion de talents immortels : Stéphane Stoecklin sera un atout gagnant de cette épopée. « À Barcelone j’avais été peu utilisé et en Suède deux ans plus tard, guère plus. Mais lors de ce Mondial 95, je savais que je jouerai plus car Philippe Schaff s’était blessé lors du Tournoi de Bercy, juste avant la compétition, rapporte aujourd’hui celui qui avait alors 26 ans. Auparavant j’avais été un peu balloté sur l’aile ou sur la base arrière droite. Mais à partir de 1995, j’ai pu jouer en position d’arrière droit, à « mon poste ». L’équipe de France débute timidement ce Mondial. « Franchement ce n’était pas très excitant de jouer dans des petites salles avec peu de public. Nous n’avions pas l’impression de disputer un Mondial et nous n’étions pas super confiants, un peu à la rame. »

Après la victoire inaugurale sur le Japon, les Bleus subissent deux courtes défaites (sur la Roumanie et l’Allemagne) et remportent deux victoires étriquées (sur l’Algérie et le Danemark). Le tirage au sort du tableau final leur permet d’éviter la Suède et la Russie mais pas l’Espagne de David Baruffet. « L’Espagne était un gros morceau. Nous disputons ce huitième à Akureyri, au nord du pays avec là encore à peine 500 spectateurs. Il y avait 3 mètres de neige et c’était vraiment austère. » La fameuse réunion de Reykjavik avait porté ses fruits et l’équipe de France apparaissait transfigurée. « On a mis les choses à plat. La première semaine, on se tirait un peu dans les pattes, on s’engueulait et quand quelque chose ne marchait pas, on rejetait la faute celui qui était à côté de soi. » Et les Barjots ont retrouvé leur handball : « ce match c’est le déclencheur car d’un coup on a commencé à mieux jouer et on à déroulé. Contrairement à la première semaine, on n’a jamais eu peur ensuite. Au point qu’on aurait pu nous mettre n’importe qui en face, on aurait gagné. »

Victorieux de l’Espagne puis de la Suisse, les Barjots entrent en force en demi-finale et prennent leur revanche sur l’Allemagne. Avec Frédéric Volle de l’autre côté, Stéphane Stoecklin est l’artificier d’une équipe de France qui file vers un premier sacre mondial. « Tu rentres tes premiers shoots puis tu es en confiance. La défense est bien en place et tu te dis que ton boulot est de marquer les buts. » Le joueur formé par Rudy Bertsch fait parler sa puissance et son instinct. Il inscrira huit buts en finale face aux Croates pour une victoire maîtrisée 23-19 : « je me sentais super bien. Je n’avais mal nulle part et le bras partait bien. Si cela n’avait tenu qu’à moi, j’aurais pris tous les ballons pour shooter. Il y a des jours comme ça où tu as l’étincelle et c’est tombé lors de la finale du Championnat du monde », raconte modestement celui qui sera élu deux ans plus tard meilleur joueur du monde. « Ce titre a changé le regard des clubs dans lesquels je suis passé. Si je n’avais pas été performant et champion du monde, je ne serais pas allé en Allemagne puis au Japon. C’est Daniel Costantini qui m’a appris que j’étais désigné meilleur joueur monde. Je jouais alors à Minden et il m’avait dit « Cette semaine tu vas avoir une bonne nouvelle. » Stéphane Stoecklin tient aujourd’hui un établissement hôtelier en Thaïlande et suit, sur internet, l’actualité internationale. Il n’est pas nostalgique : « bien sûr nous avons débloqué le compteur et j’apprécie que les générations suivantes aient toujours été très respectueuse de notre parcours. » La troupe de Daniel Costantini, désormais labélisée « Les Barjots » est devenue championne du monde et ouvrira la voie de tous les succès du handball tricolore.

résultats

Tour préliminaire : France – Japon : 33-20 // Algérie – France : 21-23 // France – Roumanie : 22-23 // Danemark – France : 21-22 // France – Allemagne : 22-23
Huitièmes de finale : France – 
Espagne : 23-20
Quarts de finale : France – Suisse : 28-18
Demi-finales : France – Allemagne : 22-20
Finale : France – Croatie : 23-19