la gloire éternelle
Six semaines après la médaille d’argent des filles lors du Mondial en Chine, les Bleus sont devenus champions d’Europe à Vienne. Après l’or olympique et mondial, c’est leur troisième titre en moins d’un an et demi. Aucune sélection masculine n’avait réalisé ce triplé. Retour sur cette historique campagne autrichienne. Par Hubert Guériau.
Wiener Neustadt, le temps des doutes
Mardi 19 janvier : à Baden, ville thermale où les Bleus ont pris leurs quartiers, à une quarantaine de kilomètres de Vienne, l’ambiance est à la décontraction pour le point presse quotidien. Alors qu’on lui demande pourquoi Didier Dinart marche avec une poche de glace sur le genou, Claude Onesta explique que c’est « pour l’apéro. » Le sélectionneur devient plus sérieux au moment d’évoquer l’Euro. Il rappelle qu’entre les joueurs en phase de reprise et ceux perturbés par des petits bobos, la préparation a été un peu chaotique. Il dit aussi que la concurrence a fourbi ses armes. A propos des Hongrois, premiers adversaires, il prévient : « En début de compétition, tout le monde a du jus. Ils n’ont peut-être pas visé ce match, mais s’ils l’ont à portée de main… » Le Toulousain ne croit pas si bien dire. En fin d’après-midi, à Wiener Neustadt, la France, sérieusement chahutée, arrache le nul (29-29) après avoir compté quatre buts de retard à cinq minutes de la fin. « On s’en sort bien », lance Michaël Guigou. « Compte tenu des circonstances, c’est un point de gagné », enchaîne Jérôme Fernandez.
Mercredi 20 février : invité à s’expliquer sur le match de la veille, Claude Onesta parle de « rupture psychologique. » Admet aussi qu’il a sa part de responsabilités dans le nul de la veille en ayant tardé, par exemple, à lancer Daouda Karaboué à la place de Thierry Omeyer (10% d’efficacité). « Nos débuts de compétition ont rarement été tranchants », rappelle-t-il. La France, en tout cas, semble déstabilisée par cette entame. Si elle bat la République tchèque (21-20) et valide son billet pour le tour principal, elle ne rassure pas encore. Elle avait le match en main, mais un sérieux passage à vide en attaque a relancé l’adversaire qui a même cru, un temps, à la victoire. « On se rend les matches difficiles », admet Nikola Karabatic. À l’image du Montpelliérain, les cadres de l’équipe connaissent depuis deux jours, chacun leur tour, des défaillances qu’ils assument pleinement. Si l’investissement est total, on sent dans la maison bleue un petit manque de fraîcheur mentale. « On était des extraterrestres, on est redevenu des terrestres », lance Claude Onesta.
Vendredi 22 février : c’est une partie de son Euro que la France joue pour cette dernière journée du tour principal. L’adversaire du jour : l’Espagne qui a alors la meilleure attaque des seize participants. La veille, Claude Onesta a sonné la révolte : « Entre celui qui se mouche et l’autre qui tousse, on s’écoute trop, on recommence à se protéger. A l’exception de Bertrand Gille (dont le tendon d’Achille est douloureux, NDLR), plus personne n’est fatigué. » Après avoir eu le match en main, les Experts connaissent encore quelques frayeurs. Mais la façon avec laquelle ils arrachent le nul (24-24) laisse penser que le patient français est sur la voie de la guérison. « Il a fallu s’accrocher pour ne pas exploser. On est peut-être encore sous Ventoline, mais on respire mieux », dit Claude Onesta. La France part en tout cas à Innsbruck disputer le tour principal avec des ambitions intactes. Elle a même bénéficié d’un coup de pouce des Tchèques, vainqueurs des Hongrois. Ça leur permet de rallier le Tyrol avec trois points.
Dimanche 24 janvier : au moment où la route s’élève, au pied des Alpes autrichiennes, la France trouve enfin le bon braquet. Face à l’Allemagne, qu’elle bat 24-22, elle rassure par sa capacité à répondre au défi physique. En dépit des dix dernières minutes un peu compliquées, elle retrouve ses valeurs et lance idéalement son tour principal. C’est indéniable : les Bleus montent en puissance.
Lundi 25 janvier : Claude Onesta est en colère. Il trouve injuste les doutes que les observateurs peuvent encore avoir sur son équipe. « Qu’on ne parle que de ces dix minutes en oubliant les cinquante autres ne reflète pas la réalité. » Jamais avare d’un bon mot, il lance, à l’attention de « ces pisse vinaigre qui ont toujours quelque chose qui gratte » : « Ceux qui attendent de nous toujours l’excellence n’ont rien compris. Il leur fallait aller à un autre Euro, Eurodisney, le pays des Mickeys. » Dans le même temps, il ne nie pas que le nouveau passage à vide entrevu la veille face aux Allemands « doit nous maintenir en alerte. »
Mardi 26 janvier : le train bleu file à grande vitesse. Il signe face à la Slovénie son plus gros score de la compétition (37-28). C’est définitivement la renaissance des Bleus. La renaissance de Michaël Guigou, aussi, auteur d’un 10/10. Meilleur ailier gauche du mondial croate, un an plus tôt, le Montpelliérain a évacué tous les petits soucis qui lui ont plombé l’existence depuis l’arrivée en Autriche. Mais à cause de la victoire de l’Espagne sur l’Allemagne, la porte des demi-finales n’est toujours pas ouverte.
Mercredi 27 janvier : l’imminence d’un quart de finale, le lendemain, face à la Pologne, n’entame pas les convictions de Claude Onesta. « On y est, lâche la patron. Et quand on y est, on est capable de battre n’importe lequel de nos adversaires. Aujourd’hui, quand on se parle, ce n’est plus pour se rassurer, mais pour être plus efficace. » L’imminence de ce véritable quitte ou double ne bouleverse pas non plus la tradition. Dans un salon de leur hôtel d’Innsbruck, à la mi-journée, le clan bleu reçoit ses supporters. Ils sont soixante, environ, à donner de la voix dans la Olympiahalle. Ils viennent de la région parisienne, du Nord. Certains sont expatriés au Luxembourg. Durant presque deux heures, tout le monde se prête de bonne grâce aux discussions et séances photo. « Ce sont des moments qui font du bien », dit, plein de sincérité Jérôme Fernandez.
Avec leur défense de fer et des tirs parfaitement ajustés, les Bleus creusent inéluctablement l’écart et le succès prend une ampleur inespéré : 24-19, score final. C’est la première fois que l’équipe de France réussit à enchaîner deux grands titres. Igor Vori ne finira pas la finale : le pivot est sanctionné d’un carton rouge qui ternira son excellent mondial où il est désigné MVP.
Jeudi 28 janvier : on a beaucoup devisé sur l’état d’esprit des Polonais. Déjà qualifiés pour les demi-finales, quel visage vont-ils montrer face aux Bleus ? Vont-ils garder des forces pour la suite de la compétition ou alors se battre pour éliminer un rival trop encombrant ? Les Bleus assurent que la clé du match est entre leurs mains. « Il faut les mettre dans des situations extrêmes pour qu’ils ne se livrent pas trop », prévoit Claude Onesta. « On se rendra ce match facile en imposant notre rythme », jure Jérôme Fernandez. Tout en maîtrise, la France gagne un match qu’elle a mené de bout en bout (29-24). La voilà en demi-finale. C’est la septième consécutive dans une grande compétition internationale depuis le Mondial 2005.
Samedi 29 janvier : diesel au début de l’Euro, la France a mis le turbo. Pour la revanche de la finale des Jeux, l’Islande croit un temps pouvoir faire vaciller une citadelle finalement imprenable. Mais c’est elle qui s’écroule, écoeurée notamment par un Karabatic (9/10) de gala et un Omeyer encore irrésistible (36-28). « On sent tout près la sueur de nos adversaires », avait dit quelques jours plus tôt Claude Onesta pour bien faire comprendre que la concurrence s’organise pour tenter de stopper l’hégémonie de la France. Sauf que quand arrive l’heure du sacre, ce sont les adversaires qui sentent le souffle des Français alors sûrs de leur force. « Dans ces moments-là, on a le sentiment de dominer », jubile Thierry Omeyer.
Dimanche 30 janvier : moins d’un an après, revoilà face à la Croatie le remake de la finale de Zagreb. L’adversaire est truqueur. Talentueux aussi. Rêveur un peu quand il pousse son avance à trois buts peu avant la pause. Mais pas plus que les autres, il ne pourra relever les défis physique, technique et tactique qui lui imposent les Bleus (25-21) qui sont encore une fois d’un froid réalisme. Tout simplement les plus forts. Le footballeur anglais Gary Lineker avait coutume de dire, dans les années 90 : « Le foot se joue à onze contre onze et à la fin, ce sont toujours les Allemands qui gagnent. » Le hand, lui, se joue à sept contre sept. A la fin, ce sont toujours les Français qui gagnent. Et on ne s’en lasse pas.
résultats
Tour préliminaire : France – Hongrie : 29-29 / République tchèque – France : 20-21 / France – Espagne : 24-24
Tour principal : Allemagne – France : 20-24 / Slovénie – France : 28-37 / Pologne – France : 24-29
Demi-finales : Islande – France : 28-36 / Croatie – Pologne : 24-21
Places 3-4 : Pologne – Islande : 26-29
Finale : Croatie – France : 21-25