Il vient d’avoir quarante ans et il a décroché, dimanche à Sélestat, son premier titre de Champion de France avec Tremblay-en-France, vainqueur de Istres en finale de Proligue. Sélectionné à 81 reprises en équipe de France entre 2009 et 2019, champion du monde 2015 et d’Europe 2014, Cyril Dumoulin retrouvera donc la Liqui Moly Starligue la saison prochaine. Avec un appétit intact.
Il t’aura fallu attendre quarante ans pour décrocher un premier trophée de Champion de France. Quelle place ce titre de Proligue occupe-t-elle dans ton parcours jalonné de succès ?
Une belle place. D’abord, c’est peut-être le dernier ma carrière. Je ne sais pas combien de temps cette aventure va continuer, et je l’apprécie donc à sa très juste valeur. Et cette valeur se mesure facilement. On a passé une saison entière à travailler avec cet objectif commun de remonter en Starligue, on a investi tous les moyens nécessaires et lorsque tu atteins ce but, le bonheur est immense. Un titre, quel que soit le niveau, le club, son histoire, a toujours une saveur particulière. Je constate qu’au fil des années mon plaisir est intact, que cette joie sincère, naturelle que nous avons manifestée à Sélestat raconte ce chemin emprunté par une bande de potes, un vrai groupe bâti pour durer. La saison est presque parfaite avec un seul revers, ça démontre à quel point le club a évolué et que cette histoire est bien sûr une histoire de joueurs, mais d’abord une histoire de bonhommes.
Cette finale de Proligue ressemblait presque à la finale de la Ligue des Champions 2018 avec un face à face Vincent Gérard/Cyril Dumoulin…
Pas mal de monde m’a fait cette remarque, oui. Bon, avec Vincent, on a quand même un peu vieilli… Disons que c’est un joli clin d’oeil, mais simplement un clin d’oeil puisque nous sommes passés, l’un comme l’autre, à autre chose. Mais ça rappelle bien sûr un temps pas si lointain où la scène était différente. Mais bon, cette fois, c’est moi qui figure dans l’équipe vainqueur, ça change…
Vincent va arrêter sa carrière. Yann Genty ou Mickaël Robin également. Tu vas donc être l’un des plus anciens gardiens de Starligue…
Parmi les plus vieux joueurs de Starligue, oui. Une grande partie de ma génération s’est déjà arrêtée. C’est d’ailleurs une petite fierté d’avoir le corps qui suit, de conserver cette flamme pour être capable de consentir les efforts nécessaires après plus de vingt ans de carrière. Revenir à ce niveau-là, à minima une saison supplémentaire, est un plaisir que je ne boude surtout pas. Comme je ne bouderai pas le fait de jouer dans salles qui ont marqué mon histoire, je pense au Phare de Chambéry et à la H Arena de Nantes notamment. Ces matches vont me coûter cher en places à distribuer.
Comment avais-tu d’ailleurs atterri à Tremblay-en-France après l’épisode nantais ?
Au H, j’étais plutôt dans un rôle de bout de banc. Emil Nielsen marchait sur l’eau, je jouais très peu et je prenais fatalement moins de plaisir. Je me voyais pourtant achever ma carrière à Nantes, où j’avais signé pour une saison supplémentaire. Et puis on m’a proposé ce projet. J’avais envie d’être impliqué, d’avoir des responsabilités, c’était un vrai challenge à relever. J’ai signé pour trois saisons, ce contrat longue durée a d’ailleurs pesé dans la balance puisque j’ai apprécié la confiance que l’on me témoignait alors. Trois ans là-bas pour aider le club à remonter en D1 et l’aider aussi à se maintenir. Une partie du travail a été faite. Maintenant, il faudra enchaîner.
Ces trois saisons de Proligue ont-elles changé le joueur que tu es ?
J’ai forcément évolué. Quelque part, tu te mets en danger en venant en Proligue. Le regard des autres est différent. Tu es observé. Attendu. J’ai joué contre les fils d’anciens coéquipiers, des joueurs au côté desquels j’avais été pris en photo quand ils étaient minots. L’homme que je suis a changé lui aussi. J’ai une une fille, ma vie est transformée. Je me sens plus serein que je ne pouvais l’être, même si je n’ai jamais été un grand inquiet. Ces trois saisons ont aussi changé le regard que je porte sur la Proligue, un Championnat un peu sous-côté, avec des joueurs et des formes de jeu qui n’ont rien à envier à la Starligue.
Tremblay-en-France peut-il justement s’installer durablement en Starligue ?
Oui. Je le pense sincèrement. Je crois fermement que les choses mises en place pour durer vont fonctionner. Nous avons un bel effectif qui ne bougera pas vraiment puisque nous compenserons nos quatre départ par cinq arrivées seulement. Qui plus est, depuis l’arrivée de Chérif (Hamani), un travail a été fait sur l’équilibre entre les joueurs et les hommes et ce regard sur les gens qui nous rejoignent cimente notre groupe. Surtout, nous avons croisé quelques équipes de Starligue en Coupe de France que nous avons regardées dans les yeux, c’est le signe que l’on est sur le bon chemin. Maintenant, les équipes se construisent dans la durée, mais je sens que cette stabilité qui a parfois manqué au club par le passé existe vraiment aujourd’hui.
Tu as quarante ans, tu es sous contrat jusqu’en 2025. Songes-tu à poursuivre encore l’aventure au-delà ?
Il faudra voir la saison prochaine, comment j’encaisse les efforts au quotidien, les séances de musculation, le travail sur la piste, la PMA, tout ce qui permet de se protéger du risque de blessure. J’imagine qu’avec l’âge, tous ces efforts vont être de plus en plus difficiles. Ce sera en tout cas à moi de gagner la confiance du président, celle du coach. Un jour évidemment, je quitterai le 40×20, peut-être que j’envisagerais de relever un ultime challenge. Ce qui est sûr, c’est que j’ai bien l’intention, l’envie de vivre pleinement cette prochaine saison, d’en profiter jour après jour.
Tu n’as pas eu la chance de disputer les Jeux olympiques. Quel spectateur seras-tu de Paris 2024 ?
Un spectateur curieux avant tout. Je n’ai jamais vécu les Jeux de l’intérieur, c’est vrai, mais là, je serai supporter, parce que j’imagine à quel point ça va être génial de jouer à domicile. J’entends des polémiques, des réticences, mais je sais que le sport va surmonter tout ça et que ces J.O. seront formidables.
Les équipes de France peuvent-elles conserver leur titre ?
Les deux ont le potentiel pour y parvenir. La pression sera sans doute plus forte, mais le soutien populaire aussi, et ça peut faire la différence. Disons que les deux équipes figurent au rang des grands favoris.
Guillaume Gille a retenu cinq gardiens dans sa liste des 35. Tu as joué avec les trois plus expérimentés. Quel regard portes-tu sur le profil de chacun des candidats ?
Guillaume s’est appuyé sur un mix entre expérience et fort potentiel pour préparer la suite. Il dispose de tout ce qui est nécessaire pour réussir. A mon avis, ses idées sur le binôme à aligner aux Jeux sont déjà assez claires et il attend juste que la préparation valide son choix. Après ces Jeux, un nouveau cycle va s’enclencher, et je n’ai aucun doute sur le potentiel des jeunes qui vont s’installer.
Vas-tu publier, comme tu le faisais à l’époque, des « Billets de match » pour retracer cet exercice de Proligue, évoquer tes sensations, tes émotions ?
Non, ce n’est pas prévu aujourd’hui, mais pourquoi pas plus tard, à la fin de ma carrière, sur une forme qui reste à définir. Je l’aurais bien fait, il y avait des choses à raconter, mais je m’investis sur d’autres projets qui me passionnent et réclament beaucoup de temps.
Quels Projets ?
D’abord l’Académie Dumoulin qui propose depuis 2013 des stages pour les jeunes handballeurs de 9 à 17 ans autour d’une passion commune et avec un seul objectif : progresser en s’amusant ! Le côté humain comme le côté sportif font partie intégrante de notre double projet où le développement de nos stagiaires est au centre de toutes les attentions. A ce jour, plus de 1200 stagiaires nous ont fait confiance. Et puis il y a Myhandball, un projet d’accompagnement et de structuration pour les clubs amateurs. Notre volonté est de fournir des conseils, de l’expertise et des services aux clubs pour faire évoluer leur écosystème et leur permettre de s’installer dans la durée. La première pierre du projet concerne les équipements, mais d’autres vont les accompagner autour de la féminisation, le handicap, les nouvelles pratiques. Notre philosophie est vraiment d’aider ceux qui en ont besoin, et j’appelle d’ailleurs tous les clubs amateurs à nous contacter afin de créer une synergie. Plus nous serons nombreux et plus ce projet sera fort.
Tu es également très impliqué dans la Fondation de la FFHandball, « Hand’solidaire »…
C’est un honneur, pour moi, d’avoir été sollicité par Philippe Bana au moment de la création. Je pense qu’il avait été sensible à l’initiative que nous avons menée pendant la période Covid avec l’opération #Sportaidons au profit des personnels soignants. A Hand’solidaire, l’engagement, la passion, et le plaisir ne sont ps de vains mots. Et c’est aussi une façon, pour moi, de rendre au handball un peu de tout ce qu’il m’a apporté.