Le responsable de la filière féminine était aux premières loges, dimanche soir, pour apprécier le sacre inédit d’une équipe de France jeune féminine sur une scène mondiale. Avec sa sélection U20F, dans le sillage d’une compétition rondement menée, ils ont tour à tour déjoué les pronostics face au Danemark (32-26) en demi-finale, puis contre la grande favorite Hongrie (29-26) en dernier lieu. La victoire d’un collectif et d’un système mis en place depuis des années par Éric Baradat.

En tant que bâtisseur de cette réussite au quotidien, qu’est-ce que l’on ressent au coup de sifflet final d’un tel sacre inédit ?

D’abord, il faut dire qu’après la demi-finale, face à un immense flot d’émotions, j’ai fait le choix d’accompagner la troupe et prendre un peu de hauteur, afin de contrecarrer certains dangers qui peuvent survenir dans ces moments-là. Je me suis mis entre parenthèses par certains aspects et d’être très présent par d’autres. Du coup, lorsque tu te retrouves dans une position de coaching en hyper contrôle, il te faut quelques instants à la fin du match pour lâcher le contrôle des émotions. C’est évidemment une grande joie handballistique, doublée d’une joie humaine, du fait de liens forts noués entre les joueuses et l’ensemble du staff. Je suis entouré de très belles personnes sur le banc et sur le terrain. Alors certes le but est de gagner dans le sport de haut niveau, mais c’est encore mieux en agréable compagnie. D’autant que nous avons fait de la route ensemble avec les leaders, passés par le dispositif des RIG et que j’accompagne individuellement depuis qu’elles ont 15 ans, comme Nina Dury, Manon Errard, Lilou Pintat, Enola et Lylou Borg, Fatou Karamoko… et pas que dans le handball. Nous sommes en connexion depuis 4-5 ans, et j’ai la sensation, à juste titre, que les enfants s’envolent du nid. Elles vont aller vers le grand monde, je suis content qu’elles y aillent avec cette ultime expérience-là.

Par la grande porte et avec un tel bagage ?

On va faire preuve d’humilité, mais j’ai aimé en tout cas l’image qu’elles ont donnée. Je leur avais demandé d’être extrêmement audacieuses en finale, elles l’ont été. Nous avons beaucoup souffert notamment face à la gardienne hongroise, pourtant, nous avons toujours beaucoup osé. Je n’ai pas l’impression que la victoire soit volée. Je voulais éviter que les joueuses pensent parce que c’était une finale, qu’il fallait faire différemment. Nous avons été pas loin de cela, tellement elle voulait faire une grande finale. Je leur ai fait comprendre que l’on avait les armes pour poser de vrais problèmes à la Hongrie. Tout en restant nous-mêmes, sans surinvestir dans la motivation, dans l’enthousiasme. Il fallait convaincre les joueuses françaises qu’elles étaient capables d’être meilleures que les Hongroises au handball. Ce que l’on a été ce dimanche, même pas forcément dans tous les secteurs.

Alors que vous partiez pourtant de loin et que les précédentes confrontations ne plaidaient vraiment en votre faveur. C’est aussi la victoire de tout un système ?

C’est le fruit d’un travail collectif depuis des années, des comités dans la détection initiale, des ligues dans la suite de la détection, des clubs professionnels et des centres de formation, la victoire de tout un système d’économie mixte. Et qui j’espère va continuer à perdurer politiquement. En sachant que l’objectif n’est pas d’être champion du Monde juniors, mais bien de renouveler France A. C’est ma boussole au quotidien.

En quoi ce genre de performance peut être bénéfique ou dangereux à contrario ?

Je pense que le risque est individuel, car les gens qui veulent s’envoler, sans l’humilité qui sied au haut niveau, vont vite redescendre de leur piédestal. En revanche, le bénéfice sera collectif pour toutes celles qui vont prendre la confiance de leurs capacités à gagner dans le contexte international. C’est absolument extraordinaire ce qu’elles ont fait par rapport à cela. Elles vont arriver en France A avec ce bagage, mais aussi je l’espère, le prix à payer. Elles ne sont pas championnes du Monde sans avoir payé un prix important, celui de l’intelligence collective. Que ce soit en terme d’entraînement, d’exigence, de travail. Sans parler de la remise en cause depuis l’été dernier. Car il n’y pas de recette précise de la performance.

Il n’empêche que celle-ci, certes singulière, peut servir d’exemple à l’avenir ?

D’exemple je ne sais pas, mais c’est en tout cas la voie que l’on veut suivre. Ce qui est bien c’est que le groupe qui arrive après, celui des U18 actuellement, a déjà gagné et ce sera une autre histoire. J’ai aimé gagner l’Euro en 2017 avec la génération 1997-98 et des personnalités comme Méline Nocandy, avec qui je garde un lien fort. Comme j’en garderais des très forts avec certaines joueuses de ce groupe-là. Ce qui est sûr, c’est que je crois au coaching collaboratif, et non au sorcier ou personnage tout puissant. Il faut quand même un patron qui montre la direction, qui a une vision de là où il veut emmener la troupe. Même si je sais que ce n’est pas dans l’air du temps en termes de management général, que je suis en ce sens de la vieille école. Je suis très ouvert à l’autre, intéressé par le genre humain, les joueuses, passionné par le jeu, mais si je suis le coach, je suis le boss. C’est ma façon de voir les choses.

La preuve est faite d’ailleurs que cela fonctionne bien et peut mener à la performance ?

Non, parce qu’une réussite n’est pas une preuve à long terme. Je n’oublie pas que j’ai échoué avec la génération précédente, médaillée de bronze à l’Euro 2021, mais tombée 13e au Mondial suivant il y a deux ans. Nous en avons tiré les leçons. Je ne vais pas dire que nous avons désormais une recette miracle. Je connais juste deux ou trois trucs pour éviter de faire n’importe quoi. S’il y a bien quelque chose qui t’amène à l’humilité, ce sont bien les aléas du sport de haut niveau. Je ne suis pas champion du monde ce soir, je suis juste le coach des championnes du monde.

Oui mais tu es quand même l’artisan d’un système aujourd’hui champion du monde ?

C’est vrai, je veux bien assumer la paternité du dispositif accession, excellence, RIG… et elles sont aujourd’hui les fruits de cela. Mais si demain l’environnement fédéral estimait que ce n’était plus le bon système ou que je n’étais plus la bonne personne pour l’animer, je suis à la disposition de la maison. Je mesure la chance de tout ce qu’il m’a été donné de vivre. Je ne suis pas un enjeu. Je me battrais pour les idées mais pas pour ma position dans le système.

Lylou Borg est élue MVP de la compétition, alors qu’elle s’était légèrement blessée à la veille de la compétition. C’est aussi l’occasion de mettre en avant le staff médical qui œuvre autour de toi et qui a fait un gros travail ces derniers temps ?

En effet, une des leçons de la compétition, c’est la très bonne gestion médico-sportive de nos athlètes, parce que jusqu’au dernier match, c’est moi qui ai eu à faire des choix parmi les 18. Que ce soit notre médecin Philippe Paulin, les deux kinés, l’expérimenté Damien Fayolle (présent en 2003 avec France A) et Loïc Lauzis, mais aussi le préparateur physique Romain Rouzier. Je devrais citer également tous les membres de mon staff, car franchement, sur cette compétition, ils ont été exceptionnels. Et j’aimerais bien continuer à le renforcer pour étendre encore notre expertise.