Le directeur technique national fait le bilan d’un été bien chargé à tous les niveaux. Entre la médaille des A aux Jeux de Paris et l’or mondial inédit des U20, la filière féminine atteste de son efficacité actuelle. De la frustration des seniors aux constructions des jeunes, celle masculine espère avoir posé des jalons pour un avenir immédiat.

Que t’inspires cette période estivale qui s’est achevée par la 4e place mondiale des championnes d’Europe U18 et entamé par le titre inédit des U20F ?

Effectivement nous avons une filière féminine, illustrée bien évidemment par la nouvelle médaille d’argent olympique, dont les résultats sont brillants. Même si on ressent une petite frustration pour nos U18 qui sont passées tout près d’un doublé pour deux défaites d’un but dans le dernier carré. Mais cela valide un double parcours confirmé dans le contexte international, et extrêmement prometteur, qui vient compléter le magnifique titre des U20 et la 4e place des U16 à l’European Open au début de l’été. Ce n’est donc pas excessif de dire que les filles ont brillé sur les différentes scènes internationales. Il y avait une forme de montée en puissance sur les dernières générations, qui vient se concrétiser et valide les choix portés par son responsable Éric Baradat. Je fais référence là à 2017, avec la mise en place du nouveau Projet de Performance Fédéral et les décisions notamment d’imposer un niveau de jeu minimum aux jeunes détectés, même si cela a fait grincer des dents. Avec aujourd’hui des athlètes prometteuses, assurément qui trouveront leur place dans le secteur professionnel et pour certaines de venir frapper au plus vite à la porte de France A. Ce qui est la priorité et l’essence de notre parcours national de formation.

Sur la question des résultats, on ne peut pas en dire autant des garçons ?

Le parcours est forcément plus mitigé et les résultats indéniablement moins probants. Mais concernant les jeunes, cela est plutôt satisfaisant lorsque l’on se réfère au contexte d’il y a deux ans et les conséquences sportives désormais à chaque tirage au sort. La situation de nos deux équipes U19 et U21, dans des poules avec deux mastodontes, aux côtés respectivement de l’Allemagne et de l’Espagne, nous condamnait quasiment dès le départ à ne pas pouvoir jouer une première place de poule qualificative pour le tour principal. À partir de là, sans revenir sur la formule retenue par l’EHF, l’objectif a été validé malgré tout de prendre à chaque fois une honorable deuxième position, sans parvenir à atteindre le Top 8 (les six premiers et les deux meilleurs deuxièmes, en fonction de la différence de buts générale, un parmi les groupes A, B, C et l’autre parmi D, E et F). Sachant que malgré cela, chaque collectif a assuré des qualifications faciles aux prochains championnats du monde. Je pense, et je leur souhaite surtout, qu’ils confirment leur montée en puissance l’an prochain.

Peut-on lier les résultats d’une filière à sa vitrine, si l’on s’en fie à cet été, ou est-ce un simple concours de circonstances ?

Non, pas de manière aussi directe et automatique, car tout d’abord les équipes A qui ont fait les Jeux ne sont pas issues des dispositifs mis en place depuis 2017 dans les filières. Hormis quelques exceptions chez les filles principalement. On ne va pas revenir ici sur la manière dont est survenue l’élimination des garçons en quart de finale, mais la majeure partie de l’équipe en tout cas a tout gagné chez les jeunes auparavant. Et ils ont gagné d’ailleurs beaucoup encore depuis, car ils sont quand même champions d’Europe et vice-champions du monde en titre. Nous allons débriefer tranquillement ce qu’il s’est passé, nous n’avons pas obtenu le résultat escompté, on a fait le minimum syndical avec un quart de finale. Mais ce n’est pas à la hauteur de nos attentes et du potentiel de cette équipe. Nous sommes surtout très frustrés de ne pas avoir validé le ticket de la demi-finale après l’avoir eu presque entre les mains. Nous n’allons pas tirer seulement les leçons de ce scénario cruel, mais de l’ensemble d’une compétition qui ne nous satisfait pas. C’est autre chose !

On peut quand même avoir l’impression que l’équipe de France féminine récolte aussi les fruits d’une meilleure intégration des jeunes générations ?

La problématique est différente entre les collectifs. Chez les A garçons, en ce moment, nous bénéficions justement, presque en pleine maturité, des générations exceptionnelles qui ont tout gagné chez les jeunes entre 2014 et 2019 (4 titres mondiaux, 2 européens, 1 médaille d’argent, 3 de bronze, ndlr). Ils ont aujourd’hui entre 24 et 28 ans, et je n’ai pas d’inquiétude, sans forfanterie, sur le niveau international de nos équipes de France et celle des garçons en particulier, à minima jusqu’en 2028 voire Brisbane 2032. Il y a en revanche une difficulté sur laquelle on réfléchit entre autres avec Guillaume Gille et Jacky Bertholet, par rapport aux nombreux athlètes dont on dispose. Je pourrais citer en effet beaucoup de joueurs qui n’étaient pas aux J.O. et pourraient jouer dans 80% des autres sélections nationales étrangères. Nous avons clairement deux générations hors normes qui monopolisent les postes. Notre sujet de l’olympiade qui vient et des suivantes, c’est comment intégrer nos nouveaux talents dans ce groupe-là ? Les départs à la retraite vont générer des possibilités nouvelles. Mais à moyen et long terme, on doit veiller à ne pas faire comme les Suédois dans le passé (ils ont mis dix ans à s’en remettre), c’est-à-dire arriver à la fin de deux, et non d’une, générations exceptionnelles, sans avoir aguerri les autres.

Un équilibre plus difficile à trouver chez les garçons que chez les filles ?

Il peut y avoir des choix de coach ou des équilibres d’équipe, des blessures, des performances en club, qui permettent plus facilement de trouver une place, et s’y installer, dans le cadre du renouvellement d’une équipe de France. Encore faut-il savoir saisir sa chance et s’y installer durablement. Sans omettre qu’Olivier Krumbholz s’est aussi appuyé sur des joueuses plus âgées, qui ont émergé plus tardivement, comme Chloé Valentini ou Tamara Horacek. Sans négliger que le contexte international est plus dense chez les garçons que chez les filles.

Nous avons beaucoup vanté la formation française du handball. Mais le basket n’est pas mal non plus avec tous les titres raflés cet été chez les jeunes. Faut-il s’en préoccuper ?

Je n’ai pas d’inquiétude particulière sur le fait que d’autres fédérations brillent dans la formation. Cela renforce l’idée que la France est une grande nation sportive et spécifiquement des sports collectifs. On pourrait aussi bien citer le football, où même si elle n’est pas forcément couronnée de succès, leur formation est mondialement reconnue et surtout valorisée. Dans ces deux disciplines, il y a une économie de la formation qui n’existe pas au handball. En revanche, à notre niveau, nous avons un devoir supplémentaire d’excellence et de résultats avec nos deux équipes de France, car c’est la vitrine qui va donner envie aux enfants de rejoindre nos clubs. Plus particulièrement chez les filles, où la masse désirant pratiquer un sport collectif est moindre et la concurrence forte (foot, basket, rugby à 7 ou 15), il faut être vigilant sur les meilleurs profils de haut-niveau. Chaque fédération a ses stratégies, au handball on reste sur le maillage, le tissu scolaire, les clubs…

De la même manière, dans la ferveur des Jeux olympiques, en quoi peut-on encore rendre le handball toujours plus attractif ?

Il y a toujours ce petit serpent de mer qui revient souvent en amont des Jeux sur son maintien dans le programme olympique, car nous prenons une grande place au village olympique, sur toute la durée en plus. Sans compter que le CIO s’interroge toujours sur la représentativité mondiale de notre discipline, alors que les deux prochaines échéances vont avoir lieu dans deux pays où le handball est sous-représenté (États-Unis d’Amérique et Australie). Les instances internationales ont pris des nouvelles mesures pour faire émerger de nouvelles nations. De là à dire que notre place aux J.O. est en danger, c’est exagéré. D’autant plus avec la gigantesque démonstration de force du public à Paris et Lille et ses plus de 500 000 spectateurs cumulés. Nous sommes plus dans l’optique de proposer une compétition en plus, dans le sillage du BeachHandball, que l’on va continuer à promouvoir. Il sera aux Jeux olympiques de la Jeunesse en 2026 à Dakar et on va continuer à le pousser, dans une dynamique internationale et une pratique spectaculaire.