Impliquée depuis plus de dix ans dans la conception et l’animation de formations Handfit Sport Santé, formatrice de formateurs pour le compte de la FFHandball, également responsable des opérations à la ligue Provence Alpes Côte d’azur, Laëtitia Fiori évoque le mois du Handfit.
Avril est le mois des appels à projets pour le Handfit, une discipline qui connaît une progression fulgurante depuis sa création en 2016. A quoi est-elle due ?
A différents éléments sans doute. Le premier, c’est qu’à l’origine, les clubs pensaient que le Handfit serait rémunérateur et développerait le modèle économique sur tous les publics. Il s’est vite avéré qu’il n’était pas si rémunérateur que ça. On a alors eu une petite baisse d’intérêt et ça a même parfois été assez compliqué dans certains clubs. Maintenant, il y a une vraie prise de conscience vis à vis d’un public auquel on ne propose pas d’activité, comme les parents ou les bénévoles par exemple. Pratiquer une activité dérivée du handball, faire partie de la vie du club, c’est quelque chose qui parle aux plus de 35 ans. Mais il y surtout eu une prise de conscience en terme de prévention santé. C’est ce qui fait qu’il y a eu un boom. Le sport santé a été la grande cause nationale en 2024. Il y a notamment eu une grosse communication sur la prescription médicale. Les clubs se sont dit : nous allons faire évoluer notre image et notre modèle économique. La réussite de certains clubs dans les projets engagés, comme à Plan-de-Cuques par exemple, a également donné des idées aux autres. Les gens ont commencé à s’intéresser aux maisons de retraite qui sont très demandeuses depuis qu’elles ont compris que les activités dispensées étaient de qualité.
Est-ce bien aisé de recenser tous les pratiquant.e.s ?
Le problème de ces statistiques, c’est qu’elles sont naturellement imparfaites. Il y a pas mal de personnes licenciées en loisir qui ne cochent pas la case du Handfit alors qu’elles pratiquent. Et puis, tout n’est pas référencé. Dans les maisons de retraite, les entreprises, les pratiquants prennent une licence événementielle mais pas la licence fédérale. Mais ce qui est réjouissant, c’est que de plus en plus de clubs de haut niveau proposent des activités. Dans ma région, Saint-Raphaël, le Pauc et Plan-de-Cuques sont par exemple très investis, ce qui permet aux autres clubs de franchir le pas plus facilement.
Le Handfit est l’une des pratiques prioritaires dans le développement “des handballs” par la FFHandball. Parce qu’il permet de capter de nouveaux publics et de conserver certains licenciés ?
C’est vrai que le Handfit a cet avantage-là, mais le BabyHand a de nombreux adeptes également. Le Handfit, c’est le sport santé, une activité parfaitement adaptée à une population vieillissante. On ne s’adresse pas qu’à des jeunes, il y a eu toute une mise en place, en toute sécurité, pour les personnes victimes d’obésité, de diabète, des personnes pour lesquelles c’est compliqué de pratiquer une activité physique parce qu’elles ont des pathologies cardiaques, pulmonaires ou neuro-dégénératives. J’ai assisté à des séances avec des personnes âgées dont les yeux brillaient dès qu’elles apercevaient un ballon, une médaille. Le jeu, ça rajeunit. Et puis le Handfit est la seule pratique collective proposée dans les maisons de retraite. Je dis souvent que le Handfit, c’est l’activité caméléon, parce qu’elle s’adapte à tous et à tout. Mais si j’évoquais le BabyHand, c’est aussi parce qu’il est complémentaire du Handfit. Des clubs, Mouans-Sartoux par exemple, proposent du BabyHand sur des séances de Handfit en maison de retraite, et les personnes âgées participent beaucoup plus car le contact des tout petits décuple leur motivation et permet d’aborder l’activité sous un autre angle.
On sait que l’humain est une des clefs de son développement. La volonté des élus, des dirigeants de clubs, des animateurs explique-t-elle cette réussite ?
Complètement. J’entends parfois des stagiaires en formation dire : j’ai envie de mettre des séances de Handfit en place, mais je ne sens pas la motivation de mes dirigeants. Ou alors, ils ne me libèrent pas de créneaux. A ces stagiaires-là, je leur conseille d’organiser une séance découverte avec tout le personnel du club. Ils changeront vite d’avis. Il faut savoir que les premiers coach recrutés et formés en 2016 sont à 80% encore là. Un stagiaire en formation, s’il est convaincu, motivé, ça fonctionne forcément. Avec le Titre 4 éducateur de hand avec Handfit, on constate parfois un décalage parce que le stagiaire n’est pas toujours là pour ça. Il est formé mais pas nécessairement motivé. Alors que la motivation des hommes et des femmes est la clé du développement.
A l’origine, le Handfit a surtout intéressé les public entre 30 et 65 ans, et notamment les femmes, à 90%. Est-ce toujours le cas ?
Toujours. On aimerait plus de mixité, mais on n’y arrive pas. En même temps, ça développe la pratique féminine.
Le Handfit est scindé en cinq phases pendant lesquelles l’activité handball va se retrouver. Il y a de la pratique d’équilibre, du cardio, du renforcement musculaire… Est-il plutôt adapté à un public avec ou sans pathologie ?
Il y a plus de pratiquants sans pathologie. Mais je différencie le Handfit club, maison de retraite et prescription, et entreprise. Dans le Handfit club, le public sans pathologie est prépondérant.
L’outil de mesure de l’impact pour évaluer les bénéfices de l’activité fonctionne-il correctement ?
Il s’agit de la plateforme GOOVE, et elle fonctionne, oui. GOOVE, c’est un écosystème d’acteurs au service des parcours en exercice physique à but de santé réunis autour de cette plateforme digitale de coordination, de suivi et de mise en relation. La FFHandball l’utilise depuis trois ans maintenant. On offre un accès d’un an à nos coaches Handfit sport santé pour rentrer les tests des pratiquants en début de cycle afin qu’ils puissent les évaluer au fil de l’année.
Quelles sont les limites à lever aujourd’hui ? Trouver plus de créneaux ? De l’espace disponible ?
Depuis le Covid, les clubs ont compris qu’il n’était pas forcément nécessaire de libérer un gymnase, qu’un espace extérieur ou une salle de réunion pouvaient faire l’affaire, mais ces limites existent toujours, oui, malheureusement.
Depuis le 8 novembre 2018, un arrêté ministériel certifie que la pratique du Handfit est bonne pour la santé et peut être prescrite par les médecins. Les professionnels de santé sont-ils suffisamment informés de l’existence de la pratique ?
Outre l’existence de cet arrêté, c’est toute la formation à la prescription médicale pour permettre de pratiquer une activité physique adaptée, et prévenir et réduire les facteurs de risque et les limitations fonctionnelles qui pose problème. Les médecins n’y pensent pas nécessairement, ou alors ne savent pas faire. Certains prescripteurs ne sont même pas formés aux prescriptions. J’avais effectué une étude avec le médecin du club de Saint-Raphaël qui montrait pourtant les bénéfices que chacun pouvait tirer. Ils sont aussi d’ordre psychologique, participent au bien-être, améliorent le sommeil, diminuent le stress.
Le partenariat avec les Maisons Sport Santé ne lève-t-il pas ces barrières ?
Si bien sûr, et c’est une grosse évolution qui facilite les prescriptions et donc notre travail. On ne peut pas accéder à ces maisons si on n’a pas effectué la formation, et c’est un gage de qualité dont tout le monde a bien conscience. De plus en plus de stagiaires s’engagent chaque année. Il y a eu des promotions à 8, on a aujourd’hui des promotions à 15, ça montre que cette formation coach Handfit sport santé fonctionne vraiment.
Comment se sont déroulées les assises du sport santé en 2024 ?
C’était super riche. On a réuni de nombreux acteurs du sport santé : des coaches Handfit, des prescripteurs des commissions médicales, des pratiquants, des techniciens de GOOVE ou des animateurs des maisons de santé. Il y avait aussi d’anciens coaches Handfit de la formation précédente qui ont fait partager leur expérience. Ces assises étaient organisées dans le cadre de l’appel à projets Impact 2024 financé par l’ANS, et je sais que nos résultats ont beaucoup plu.
Quel serait ton souhait pour 2025 ?
Il nous manque un peu de production autour du Handfit. On a écrit beaucoup de choses, mais on n’a par exemple jamais publié de livret sur le Handfit pour aider les clubs à se structurer et mieux communiquer vers l’extérieur, les prescripteurs notamment. Pourquoi pas créer des fiches pratiques, ou un livret, oui, qui rappellerait toutes les bases. Et pourquoi pas revisiter la formation coach Handfit sport santé pour la rendre plus accessible encore ?