Au terme d’une carrière qui l’a conduit de Miramas à Kiel en passant notamment par l’OM-Vitrolles ou Montpellier, Bruno Martini, 42 ans aujourd’hui, a épousé l’an passé l’habit de manager général d’un club sportif. Double champion du monde (1995, 2001), vainqueur de la Ligue des champions en 2003, il s’investit donc désormais au PSG, le club des trois champions olympiques (Abalo, Dinart, Honrubia) grâce auquel souffle un nouvel élan sur le Championnat. Confidence dans l’Entretien du Lundi !

–  » ?lors Bruno Martini, Paris est magique ?
(Rires?). Je ne sais pas si Paris est magique. Mais Paris différent. Différent dans ses ambitions, ses moyens, ses responsabilités, aussi, par rapport à l?image du PSG. Il est différent dans les attentes qu?il suscite, les nôtres, celles du public, du propriétaire? L?entrée en matière, vendredi face à Cesson/Rennes, est intéressante, quant à l?image rendue, bien plus qu?au regard du simple aspect sportif. Non, Paris n?est pas seulement un amoncellement de stars. Cette équipe a déjà envie de gagner des choses ensemble. D?entretenir une vraie proximité avec son public.

En quelques mots, parlez-nous de ces fameux investisseurs qatariens, de leur motivation, leur manière de procéder.
Pour la motivation, il faudrait plutôt évoquer cela avec eux. Je peux simplement vous dire qu?il y a ici une vraie volonté de créer un pôle sportif fort. Comme le Real ou Barcelone, le football demeure la tête de gondole, mais d?autres disciplines doivent s?impliquer au point de compter, un jour, dans le paysage européen. Il est certain que le fait d?avoir obtenu l?organisation du Mondial masculin en 2015 participe à leur logique d?investissement à Paris. Mais ils seraient tout de même venus sans ce Mondial au Qatar. Je n?ai rencontré Nasser (Al-Khelaïfi, le président) qu?à une seule reprise, avec Jean-Claude (Blanc, le directeur général), mais j?ai senti cette envie de s?impliquer de manière pérenne.

C?est en tout cas assez surréaliste de vous retrouver, vous, le Provençal de Miramas, le fan de l?OM, aux manettes du PSG?
(Rires?) Je suis un enfant de la balle? Mais bon, effectivement, ce n?était pas forcément le destin que je m?imaginais il y a vingt ans. Mais c?est une opportunité extraordinaire. Je suis très content d?être ici, mais c?est surtout très formateur.

Parlez-nous de la rencontre avec les trois champions olympiques que vous avez découverts à la fin du mois d?août?
Je les connaissais tous, mais j?ai été frappé par la simplicité des premiers contacts aux mois de juin-juillet. La finalisation des contrats a été très simple pour Sami (Honrubia) et Didier (Dinart), un peu moins pour Luc (Abalo), mais tous ont immédiatement adhéré au projet, et ça a été un véritable plaisir de traiter avec eux. Ils ont une véritable envie de réussir ici, ils nous ont d?ailleurs rejoints très tôt après les Jeux Olympiques. Leur intégration n?a pas posé l?ombre d?un problème, ils ont très vite été très pros, très bons. Très simples. Il n?y a aucune erreur de casting, ni en terme de recrutement, ni d?état d?esprit. Les trois ont un rôle moteur, de locomotive au PSG. Ils ont déjà l?expérience d?un grand club, voire de la construction d?un grand club. Et puis, ils sont tellement faciles à vivre?

Imaginiez-vous, au moment où vous avez pris votre retraite internationale, lorsque vous figuriez parmi les cinq privilégiés (avec Jackson Richardson, Grégory Anquetil, Patrick Cazal et Christian Gaudin) à avoir décroché deux titres mondiaux, que le handball français pourrait à ce point dominer le monde ?
Non. Je me disais qu?il y avait évidemment de la qualité pour réussir des choses, pour gagner de temps à autres. Mais écraser à ce point la concurrence, non, c?était pour moi inimaginable. Ce règne est bien sûr dû à une concordance des talents. A la qualité de la formation, aussi, qui permet de sortir un Barachet ou un Accambray en 2011. Mais il est aussi facilité par un état d?esprit hors du commun qui a peut-être fait défaut aux équipes précédentes. Cette équipe-là possède un mental d?acier, une volonté indéfectible de marquer l?histoire.

L?équipe de France peut-elle réussir un nouveau résultat en Espagne, lors du Mondial de janvier ?
Pourquoi pas, même si j?ai tendance à penser que plus on avance, plus ça deviendra difficile de gagner. Mais cette équipe fait toujours peur, c?est un atout indéniable. Maintenant, un Mondial est plus éprouvant physiquement que des Jeux Olympiques. Le groupe sera visiblement très proche de celui des JO, il aura donc l?expérience, l?appétit, et si Claude Onesta effectue plus de rotations, le challenge peut être relevé.

« Trois dimensions au-dessus »

On imagine que votre rôle à Paris est aujourd?hui bien différent de celui de la saison passée.
Ça n?a plus rien à voir. Nous sommes trois dimensions au-dessus ! J?ai enfin l?impression de me projeter. D?avoir la chance de ne pas me dire : comment boucler le budget, comment parvenir à ceci, cela? La notoriété de la marque dont nous sommes les ambassadeurs est un énorme plus.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu?est le métier de manager général d?un club sportif ?
Il est le pilote de l?activité globale du club. C?est lui qui fait le lien et coordonne. Au PSG par exemple, sous la responsabilité de mes deux patrons, je travaille sur le recrutement avec l?entraîneur, je discute avec l?expert comptable, je peux intervenir sur les politiques de billetterie, de communication. Mais le métier peut aussi être très terre à terre, il s?agit aussi de gérer les choses du quotidien.

Est-il difficile de réussir sa deuxième vie après le sport ? Connaissez-vous d?anciens coéquipiers en difficulté ?
C?est forcément difficile et délicat. Savoir repartir de zéro quand on a 35, 36, 37 ans, lâcher une activité que l?on maîtrise pour une que l?on découvre? La difficulté est grande, oui. Gagner la reconnaissance pour ce que l?on est et pas pour ce que l?on a fait, là est toute la complexité. Il y a beaucoup d?enjeux à être capable de rebondir sur complètement autre chose. Mais ceux qui se lancent sont parfaitement conscients de ces enjeux et de ce qu?il faut y mettre. Après, il y a quand même, aussi, les circonstances. Quelqu?un comme Guéric (Kervadec, à Créteil) s?est très vite impliqué. Stéphane (Plantin, champion du monde 1995), lui, qui est un professionnel très bien formé, n?a pas été conservé à Toulouse…

Que manque-t-il, désormais, au handball français pour franchir un nouveau pallier ?
Des salles, des infrastructures. Pas grand-chose en vérité. Un poil d?émotion supplémentaire, peut-être. J?ai senti ça, vendredi, au moment de l?ovation lorsque les joueurs sont entrés sur le parquet. J?ai senti combien les gens étaient heureux de partager ce moment avec nous.

Vous découvrez Mikkel Hansen, vous avez joué au côté de Nikola Karabatic, quel est le plus complet des deux ? Et d?une manière plus générale, quel est le joueur qui vous a le plus impressionné au long de votre carrière ?
C?est difficile de comparer Mikkel et Nikola, comme c?est compliqué, voire impossible, de comparer les époques. Mikkel n?est qu?au début de son aventure. J?attends un peu pour tirer des conclusions. Les deux joueurs sont très proches au niveau des compétences générales. Nikola est plus dur en défense car il a la culture française de la défense. En dix-neuf saisons de première division, j?ai eu la chance de côtoyer des gens depuis Pascal Mahé à Nikola Karabatic, en passant par Jackson (Richardson), Fred Volle, Boule (Gardent), Guéric (Kervadec), bref, ce qui se fait de mieux? A mes débuts, mes références étaient Michel Cicut et Bernard Gaffet au SMUC. Au niveau des gardiens, je ne peux oublier Mémé (Médard), Christian Gaudin et évidemment Thierry Omeyer. Côté étranger, Mirko Basic évidemment…

« 1982… Cette finale m?a marqué au fer rouge. »

Irez-vous voir les filles d?Issy-Paris, vendredi ou dimanche, pour le tournoi wild-card de qualification à la Ligue des Champions ?
Non. Je serai à Aix-en-Provence vendredi, et je vais rester un peu dans le Sud. Les relations existent entre nos deux clubs. On a déjà essayé des rapprochements, mais ça reste assez compliqué. On ne s?interdit pas d?organiser des matches couplés, de poursuivre des actions sociales communes sous le parrainage de la Mairie de Paris.

Regardez-vous encore, parfois, la finale de 1982, entre l?URSS et la Yougoslavie ?
Non, mais j?y pense de temps en temps. Cette finale m?a marqué au fer rouge. C?est le premier match qui m?a fait rêver. Il est ancré en moi, pour la vie. En Allemagne, j?ai côtoyé Anpilogov, l?arrière droit droitier de l?URSS. Et puis j?ai joué avec Basko (Mirko Basic). Il détourne cinq penalties sur sept au cours de cette finale où il n?a que vingt et un ans. Et encore, un est tiré à hauteur de son visage et l?autre touche le poteau et rebondit sur son dos?

Le handball de cette époque-là était-il bien différent de celui d?aujourd?hui ?
Il n?avait rien à voir au niveau de l?intensité, de la vitesse. C?est d?ailleurs la même chose au football. La préparation était différente, les techniques de musculation n?étaient pas aussi poussées, les gabarits forcément différents. Mais cette époque, cette finale, restent des moments fondateurs. Comme je le disais tout à l?heure, il est vain de vouloir comparer les gens à dix ou vingt ans d?intervalle. Ils étaient tous très bons dans leur période. » –