INTERVIEW CROISÉE – Philippe Kalt officie au football, Romain Poite au rugby. Ces deux arbitres confrontent leurs expériences, leur vision d’un métier critiqué et leur salaire confortable.
Jusqu’au 3 novembre, les 12es Journées de l’arbitrage ont pour objectif de sensibiliser les joueurs ainsi que le grand public des quatre sports majeurs (football, rugby, basket, hand) à l’importance du rôle de l’arbitre, voire à susciter de nouvelles vocations. C’est l’occasion de confronter l’expérience de deux figures des « hommes en noir », qui ne le sont d’ailleurs plus depuis longtemps. Philippe Kalt, 45 ans, officie sur les terrains de football d’élite depuis 1994. Romain Poite, 38 ans, élu meilleur arbitre du Top 14 en 2011 et 2012, rend la justice sportive au rugby depuis 2002.
Suivez-vous le sport de l’autre?
Philippe Kalt : Je ne rate jamais l’occasion de regarder du rugby à la télé. Je suis attentif à l’arbitre. Je me demande toujours comment il décèle ce qui est régulier ou non sous une mêlée. Globalement, il se dégage un fair-play trop souvent absent en football, surtout dans les tribunes. Les supporters trinquent entre eux malgré les rivalités. Je ne comprends pas pourquoi ce respect n’existe pas dans mon sport.
Romain Poite : Je regarde le foot à la télé. Par déformation professionnelle, je suis moi aussi focalisé sur l’arbitre. J’ai joué un peu, mais je serais bien incapable d’arbitrer un match de haut niveau.
Notez sur 10 le respect porté à l’arbitre dans votre discipline.
RP : Pas loin du 8 chez nous.
PK : Au foot, on peut atteindre le 8 aussi, mais on peut parfois largement descendre en dessous…
Pour dix fautes sifflées, combien de protestations entendues?
PK : Deux environ. Les grands classiques, c’est « j’étais pas hors jeu » et « je l’ai pas touché ». Mais, contrairement à ce qu’on peut croire, les joueurs sont nettement plus respectueux qu’il y a quinze ou vingt ans, à mes débuts en L1. Grâce à la médiatisation, qui pousse les joueurs à faire attention, et aux formateurs, qui insistent sur le sujet pendant la formation. Mais aussi parce que les arbitres rencontrent les joueurs en dehors des matches depuis quelques années. Nous participons à des séances d’entraînement physique dans des clubs. Dernièrement, j’étais à Sochaux et à Nancy. On met le même maillot que les joueurs. Ils s’en souviennent lorsqu’on les retrouve aux matches.
RP : Entre zéro et une protestation pour dix décisions. La grande différence avec le foot est qu’une protestation ou un comportement agressif envers l’arbitre peut se traduire par une pénalité, donc influer tout de suite sur le score. Nous avons nous aussi des relations très précieuses hors des matches. On participe à des journées ambassadeurs de la Ligue avec les joueurs et les entraîneurs.