-« Gnonsiane, éclairez-nous un peu… Il y a quatre ans, vous découvriez le haut niveau à Fleury-les-Aubrais. Vous êtes, depuis, la capitaine de l’une des équipes les plus ambitieuses de LFH, mais surtout la meneuse de jeu de l’équipe de France alors même que vous figurez, aux côtés de Grâce Zaadi ou Audrey Bruneau, parmi les plus jeunes du groupe… Vous attendiez-vous à une telle ascension ?
Non, pas du tout ! Je ne vais pas dire que c’est une ascension… Je suis une joueuse à part entière, je fais partie d’un collectif. Je n’avais pas ce désir de jouer ce rôle particulièrement. Je garde les pieds sur terre. Même si c’est une vraie satisfaction d’évoluer au plus haut niveau avec Fleury et en équipe de France.
– Avez-vous toujours le même regard, empli d’admiration, sur des filles comme Nina Kanto, Paule Baudouin ou Siraba Dembélé ?
Oui ! Pour tout ce qu’elles sont, sur le terrain et en dehors. Pour ce qu’elles dégagent. Malgré la proximité dont je profite aujourd’hui, il y a toujours ce respect. Leur combativité, leur intelligence sont exemplaires.
– On a d’ailleurs le sentiment que la première réussite d’Alain Portes est d’avoir su très vite trouver l’amalgame entre ces anciennes et vous, les plus jeunes…
Je le pense oui. Ce mélange, malgré la défaite en quart de finale au Mondial, c’est une vraie réussite. Dès la préparation à l’automne dernier, j’ai senti que quelque chose se créait. Jour après jour. D’où, d’ailleurs, l’immense déception de la défaite en quart. Mais dans le comportement du groupe, on sent cette solidarité, ce plaisir d’être ensemble. On ne regarde pas à côté de qui on s’assoit pour manger, tout le monde parle avec tout le monde, naturellement.
– Comment se sont déroulées les retrouvailles en amont du match de Reykjavik ? L’amertume liée à l’élimination en Serbie s’est-elle estompée ?
C’était un plaisir de retrouver tout le monde. Même si c’était le premier rassemblement après la défaite face à la Pologne. On n’avait pas eu de moment après le quart pour débriefer au retour du Mondial parce qu’on s’était vite séparés en rentrant de Belgrade. Il y a eu des échanges collectifs avec les joueuses et le staff pour tirer les leçons et, très vite, cette volonté de se projeter sur la suite.
« MES DÉBUTS DANS LE HANDBALL ONT ÉTÉ UNE ÉVIDENCE »
– Parlez-nous de votre parcours. Vous ne l’avez pas souvent évoqué, par pudeur sans doute. Certains membres de votre famille vivent en Côte d’Ivoire, mais vous êtes née à Villeurbanne et vous avez grandit et effectué vos débuts à Vaulx-en-Velin avant de rejoindre Fleury-les-Aubrais…
C’était difficile de partir… Oui et non ! Il n’est jamais aisé de s’éloigner des siens. Mais j’ai toujours longtemps été en internat, j’ai vécu deux ans à Lyon seule dans un appartement. Le départ pour Fleury a été facilité car j’y avais quelques amis. Etant donné notre rythme de vie, j’arrive tout de même à retrouver ma famille et mes proches cinq ou six fois par an. Et je trouve que c’est déjà une chance !
– Vous avez commencé à jouer à l’âge de neuf ans, l’année où l’équipe de France disputait la finale du championnat du monde en Norvège. Simple coïncidence ?
Une totale coïncidence ! Mes débuts dans le handball ont été comme une évidence. Il y avait une vraie politique sportive à l’ASUL et un club investi. Bien sûr, j’avais déjà joué à l’école primaire, au collège… Tout s’est fait naturellement jusqu’au pôle espoir.
– Aucune autre pratique sportive ne vous a séduite plus jeune ?
J’ai fait un peu de judo… Mais se retrouver seule avec son kimono et sa ceinture quand toutes les copines s’amusaient sur le terrain de hand. J’ai vite abandonné (rires ) !
– On vous sait attachée à des valeurs fondamentales telles que le travail, l’honnêteté, la justice. La famille aussi…
Cela vient de mon éducation. Et aux principes que je me suis imposés. Vivre en internat, en collectivité exige de respecter certaines règles. Aujourd’hui, tout ce que je peux transmettre, traduire sur un terrain, je le puise là-dedans. Et je ne dis pas ça pour faire joli ; très sincèrement, je ne joue pas au handball pour moi, mais pour ma famille.
« MES ORIGINES AFRICAINES, ELLES SONT DANS LA LANGUE, LA DANSE, LE SOURIRE. DANS TOUT ! »
– La famille c’est la convivialité… Vous qui aimez la cuisine, craqueriez-vous plus volontiers pour une sauce manioc ou pour des ravioles au saumon ?
Je vais dire sauce manioc quand même ! Mais difficile de choisir (rires). C’est vrai que j’aime beaucoup cuisiner. Parce qu’encore une fois, ça permet de partager quelque chose.
– La cuisine africaine en général, et ivoirienne en particulier, est réputée familiale et populaire. Aimez-vous la pratiquer avec vos amis ?
Je dois avouer que cuisiner, c’est davantage un plaisir que je me garde jalousement ! Un moment pour moi. Je n’aime pas trop qu’on m’aide, à part pour couper les oignons ! Je me vide la tête, je me libère. Même si c’est toujours plus agréable de le faire pour les autres que pour soi. Heureusement, il n’est pas rare que Koumba (Cissé) et Laura (Kamdop) viennent manger à la maison.
– D’une manière plus générale, quelle est votre part «d’Africanité» ?
Elle est… dans la langue, la musique, la danse, le sourire ! Dans tout ! C’est un héritage. J’ai la chance d’avoir été élevée dans la mixité, au travers de deux cultures différentes. Je n’ai pas grandi en Afrique mais j’y suis allée quand j’étais plus petite. Depuis, c’est plus compliqué vu les échéances sportives. Mon père vit en Côte d’Ivoire, ma famille est originaire d’Abidjan et de Yamoussoukro et j’espère pouvoir prendre le temps, un jour, d’y retourner.
– Vous vous êtes tournée vers des études littéraires, vous lisez beaucoup… Le handball ne remplit-il pas toute votre vie ?
J’aime lire. Beaucoup. Je lis de tout. De Sade à Harlan Coben. Je n’étais pas très douée pour les matières scientifiques. Je leur préférais l’Histoire, la philosophie…
– Les « littéraires » sont souvent des rêveurs… Et vous ?
Un peu oui ! Il m’arrive de me dire « demain, je quitte tout et je vais vivre dans le désert ». Mais la réalité vous rattrape vite (rires).
– Plus jeune, au sortir de votre titre de championne d’Europe des -17 ans par exemple, vous intéressiez beaucoup de clubs scandinaves. Pourriez-vous tenter un jour l’aventure, pourquoi pas jouer avec Gro Hammerseng, l’une de vos idoles ?
Gro Hammerseng. Oui, ça a été une de mes idoles il y a quelques années. Pour le reste, aller jouer à Györ, Skopje, Larvik, c’est évidemment quelque chose qui séduirait n’importe quelle joueuse de haut niveau. Tant sur le plan sportif que personnel et humain. Mais je prends mon temps. Je suis bien à Fleury. Je ne suis pas pressée.
« SUR LE TERRAIN, J’AIME JOUER, COMPOSER, CONSTRUIRE »
– Vos progrès sautent aux yeux, en défense notamment. Quels autres secteurs cherchez-vous à améliorer ? Quels sont ceux que vous affectionnez le plus ?
Il n’y a pas un seul secteur où je ne pourrai pas évoluer ! Heureusement ! Mon jeu en attaque, mon tir, les relations avec mes coéquipières. D’autant qu’il y a peu, je n’étais pas demi-centre. Il me faut travailler ma vision du jeu. C’est d’ailleurs ce que j’affectionne le plus sur un terrain. Jouer. Tromper le défenseur. Faire marquer les autres, composer, construire.
– Fleury est engagé sur tous les tableaux, avec la finale de la Coupe de France, mais aussi les play-offs du championnat. Sentez-vous votre équipe prête à décrocher enfin un titre ?
Je l’espère ! Mais je ne vais pas le promettre, ça serait prétentieux de ma part. Le club a une belle équipe qui reflète la qualité du championnat et ses progrès. Et j’ai l’impression que chaque année on s’attèle à solidifier pour mener à bien le projet à long terme.
– Après cette semaine internationale qui s’est soldée par une qualification pour le prochain Euro, avez-vous hâte de retrouver les copines de l’équipe de France, au mois d?avril à Deauville et au mois de juin pour la fin des qualifications Euro ?
Oui, vraiment hâte. Comme à chaque fois. Regoûter au plaisir d’être convoquée, de faire son sac, d’enfiler le maillot pour représenter son pays. Et de retrouver tout le monde !