Le malheur a frappé à leur porte alors qu?ils pensaient concrétiser leur bonheur. Elle s?est relevée, petit à petit, a peut-être trouvé dans le handball matière à se reconstruire. Cet été, alors qu?elle n?avait plus rechaussé ses baskets depuis un an, elle s?est lancée à nouveau. Ce qui ne devait être qu?un simple galop s?est transformé en idylle. La voilà à nouveau tournée vers l?excellence. Dimanche, elle était même à deux doigts d?arracher un billet pour la Ligue des Champions, mais le Vardar Skopje de sa copine Siraba Dembélé a eu le dernier mot (33-25). La frustration est déjà digérée. Car la demoiselle a appris à ne plus se retourner sur son passé?
-« Makaan, quels sentiments prédominent à l?issue de ce tournoi d?Eboli ? Vardar était-il vraiment trop fort ?
Je ne pense pas que Vardar était trop fort. Il y a eu un peu de stress de notre part, alors qu?il n?y avait pas lieu, Vardar étant le favori de ce tournoi. Le sentiment principal est un sentiment de frustration parce qu?il y avait les moyens de les accrocher plus longtemps. Sur ce week-end là, en tout cas, car Vardar a remanié son effectif et manquait de repères collectifs. Mais sur le papier, il n?y a pas photo entre Skopje et Fleury-Loiret Handball.
Fleury-Loiret Handball était néanmoins à deux doigts de la Ligue des Champions. Est-ce une scène sur laquelle le club compte s?exprimer à court terme ?
Je pense que oui. C?est un de nos objectifs. Malheureusement, il va falloir attendre un an. Gagner le Championnat est le plus sûr moyen d?y accéder, même si j?ose espérer que la France finira par disposer de deux places en Ligue des Champions. Elle le mérite en tout cas.
Que faut-il comprendre à la lecture du message que vous avez posté sur votre compte twitter : Déçues du final, mais j?espère que ce n?est que partie remise ?
J?ai voulu dire que la déception est à la hauteur des ambitions qui sont les nôtres. Que ce n?est pas parce qu?on a loupé la marche cette fois, que l?on n?y parviendra pas bientôt?
Doit-on aussi interpréter cela de votre part comme un véritable retour à la compétition ? La renaissance d?une nouvelle ambition ?
Oui. Tant que je serai là, on peut l?interpréter comme ça. Ce n?était pas prévu, mais je me suis prise au jeu. L?envie de gagner est revenue de suite, d?autant que le temps commence à presser.
JE ME SUIS ACCROCHEE
Quand avez-vous décidé de replonger ? Déjà, on se souvient que vous aviez mis votre carrière entre parenthèses, en 2009?
C?était pendant les vacances. Je n?avais plus chaussé de baskets depuis un an, et j?ai eu envie de faire du sport. J?aurais pu me contenter de quelques footings, mais j?ai demandé à reprendre avec les filles. Et puis voilà, au fur et à mesure, je me suis accrochée. Je n?avais aucune intention de refaire de la compétition, l?effectif était au complet, mais il y a eu la blessure de Katty (Piéjos), les sensations, l?envie… Tout est allé très vite finalement.
Pourquoi ce choix à trente ans passés? Vous ne pouvez donc pas vous passer du handball au point de partager le temps, de signer une licence amateur, de vous mettre en concurrence avec Marta Lopez et Katty Piéjos ?
Je peux me passer du handball, ça m?est déjà arrivé. Mais je ne peux pas, non plus, vivre trop loin. Le handball ne me manquait pas vraiment en tant que pratiquante, ma place dans la tribune me convenait? C?est juste une question d?opportunité.
Etes-vous toujours cette joueuse coriace, un brin rebelle, avec ce caractère revêche, presque atypique dans le milieu ?
Toujours. On ne change pas avec les années. Disons que j?ai peut-être aujourd?hui un petit peu plus de recul sur les événements. Mais cette agressivité, ce tempérament font partie de ce que je suis, c?est mon jeu, je suis comme ça, et si je n?ai pas ça, ce n?est plus vraiment moi. Mais si je suis toujours aussi coriace, je suis devenue aussi plus joyeuse. J?ai envie, désormais, de m?amuser. Et depuis la reprise, je m?amuse beaucoup. Sans doute qu?avant de couper, je ne m?amusais plus suffisamment. Peut-être la fatigue, la lassitude?
Il semble que votre carrière soit jalonnée de coups durs, coups du sort, épisodes douloureux. Tout sauf un long fleuve tranquille?
C?est bien résumé, oui, ça n?a jamais été un long fleuve tranquille. Attention, c?est la vie qui est comme ça. On parle de mon cas parce que je suis une sportive, mais ces épisodes de vie arrivent à beaucoup de gens en vérité. Mais je suis encore là. En fait, c?est juste une question d?état d?esprit. A partir du moment où tu acceptes de faire les efforts, tu peux te relever de beaucoup de choses. Me faire mal après un an d?arrêt, c?est largement dans mes cordes. Ce n?est pas le plus douloureux que j?ai eu à vivre.
TOUT M’A OUVERT LES YEUX
Ce n?est tout de même pas donné à tout le monde?
Non, ce n?est pas forcément donné à tout le monde. Nina (Kanto), Siraba (Dembélé) me disent que mon parcours, mon histoire sont exceptionnels. Je les vois les yeux grands ouverts quand elles évoquent mon parcours, mes galères, mais j?ai du mal à me projeter sur ce terrain. Disons que tout ça m?a ouvert les yeux sur la vie en général. Aujourd?hui, je suis capable d?accorder plus d?importance aux choses qui me semblent essentielles. Je vois les choses différemment. Je profite beaucoup plus de ma famille, j?essaie, dès que je peux, de rentrer chez moi me ressourcer. Je profite aussi plus de mes amis qui m?ont toujours entourée. Je suis aussi moins calculatrice, j?essaie d?être joyeuse, même lorsque les manques me rappellent certains événements. J?ai beaucoup pleuré, maintenant je veux rire. Même dans les moments un peu tristes.
D?Epernay à Fleury-les-Aubrais, quel peut être le fil conducteur ? La passion ? Vous n?avez quand même plus rien à prouver?
Oui, bien sûr. Mais j?aime le handball. Cet amour ne m?a jamais quittée. Même quand ça été compliqué. Sans cette passion, j?aurais arrêté depuis longtemps.
Fleury-les-Aubrais, justement. Parlez-nous de ce club, entraîné par Fred Bougeant, votre compagnon. Parlez-nous de son ambition. De l?ambiance, des envies?
Le projet est séduisant, plaisant. Je l?ai vu de l?extérieur la saison passée, je suis désormais l?une de ses actrices. Tout avance très vite parce que tout le monde regarde dans la même direction. On a envie de grandir en restant humble. L?équipe est très bien équilibrée avec des anciennes dont je fais partie et des jeunes très prometteuses. C?est un projet à long terme, ambitieux. Pour le résumer, j?ai juste envie de dire que nous voulons tout gagner.
Il y a, dans votre équipe, quatre joueuses espagnoles, une Polonaise, une Roumaine, une Brésilienne. Vous enrichissez-vous de toutes ces différences culturelles ?
Bien sûr. Karo (Siodmiak) réagit différemment de Marta (Mangue). Ioni (Stanca) est plus posée, elle est la maman de l?équipe. Elles apportent toutes leur expérience, une autre vision du handball aussi. Tout le monde a sa place et chacune profite du vécu de l?autre.
LE HANDBALL A CHANGE EN MIEUX
Avez-vous songé, à un moment-donné, à vous exiler, vous aussi, découvrir un autre Championnat ?
Non. Parce que je suis toujours partie du principe qu?en étant près des gens que j?aime, je n?avais pas besoin d?ailleurs. Le fait que mon compagnon soit entraîneur a également joué un rôle.
Il ne vous a pas échappé qu?Olivier Krumbholz a été remplacé par Alain Portes à la tête de l?équipe de France. Comment jugez-vous votre parcours avec les Bleues ? Vous comptez 65 sélections. Songez-vous à en ajouter quelques-unes ?
Je dirais un parcours chaotique. On a eu beaucoup de mal à se comprendre avec Olivier. Mais j?ai vécu trois belles saisons entre 2006 et 2009. Après, j?ai dû me résoudre à tourner la page avec mes soucis, mais je suis revenue en 2011. Olivier n?a pas jugé bon de m?emmener au Championnat du monde, mais j?avais fait les efforts. Disons que ce parcours, c?est comme un jeu de yoyo. Revenir ? C?est prématuré. J?attends de voir sur les trois ou quatre premiers mois quelles seront mes sensations. Voir si physiquement je tiens le coup. Après, ce n?est pas ma décision. Si Alain Portes me rappelle, j?y songerai en tout cas.
Le handball a-t-il profondément changé depuis vos débuts à Saint-Cyr-sur-Mer, à tout juste dix-neuf ans ?
Oui, il a complètement changé. En mieux? Il s?est professionnalisé. On est, à mon avis, un des meilleurs Championnats en Europe. Il y a eu des soucis économiques à l?étranger, alors que notre stabilité a permis à de grandes joueuses de venir en France. Le Championnat est devenu dense. Mais attention, stabilité ne veut pas dire manque d?ambition. On doit se battre tous les week-ends pour exister, on n?a pas juste la Ligue des Champions comme dans certains pays d?Europe, mais je suis convaincue que l?on n?est pas loin de pouvoir rivaliser avec les meilleurs.
Un mot, pour finir, sur vos copines du Vardar, Siraba Dembélé, Allison Pineau et Amandine Leynaud. Vous ont-elles semblé déjà acclimatées, porteuses du projet macédonien ?
Je les ai senties bien. Heureuses là-bas. J?ai surtout discuté avec Siraba. D?après elle, le club a l?air de bien tourner, le projet est ambitieux. Mais leur collectif n?est pas encore bien huilé. Elles ont la phase de poule pour trouver les bons équilibres. Siraba, elle a besoin d?être à la bagarre tous les jours et ce challenge-là lui convient parfaitement.
Elle a défendu sur vous ?
On ne s?est croisées que deux minutes. Zebic a commencé le match, elle a été bonne, et c?est Katty (Piéjos) qui s?est retrouvée face à Siraba sur la fin?
Remporter la Coupe des Coupes, dont le premier match est programmé le mois prochain face aux Norvégiennes de Stabaek gommerait sans doute votre frustration. A moins que vous n?envisagiez le titre de Championne de France après lequel vous courrez depuis tant de temps?
L?objectif est de retourner en Ligue des Champions. La musique, l?ambiance, l?atmosphère, les souvenirs sont déjà bien ancrés? Mais on ne va pas se priver d?un parcours en Coupe des Coupes si l?on en a les moyens. La Ligue des Champions ? On sait que ça passe par le titre de Champion. Je n?ai jamais été Championne de France, alors? D?ailleurs, je n?avais jamais, non plus, approché d?aussi près la Ligue des Champions?»
Crédit photo Maakan Tounkara : Fleury Loiret Handball / Ludovic Letot