Avec un peu de recul, comment apprécies-tu cette performance ?
Avec du plaisir car il y a vraiment beaucoup d?enthousiasme autour de cette médaille extraordinaire, à la fois dans le milieu du Handball et auprès du grand public. Les matches décisifs, des filles et des garçons, ont été disputés à des horaires en prime-time et diffusés aussi sur des chaînes en clair, favorables pour toucher le plus du monde possible. L?un des facteurs de cet engouement est le scénario des matches qui a démontré toute la combativité des joueuses et leurs valeurs. Enfin, l?équipe de France a su accepter la défaite et a finalement donné une bonne image.
Malgré votre très beau parcours, nourris-tu quelques regrets ?
Nous avons rencontré des soucis lors de la préparation avec la blessure d?Allison Pineau qui a failli manquer les J.O. Nous avons perdu Blandine Dancette dès le premier match puis Amandine Leynaud a eu un lumbago. Enfin, Alexandra Lacrabère n?a pas pu finir la finale, c?est aussi un gros regret. Lorsqu?on revoit cette finale, on se rend tout de même compte que les Russes étaient plus fortes. Nous avons fait des erreurs et nous avons été pénalisés. L?équipe était au bout du rouleau.
A quel moment as-tu senti ton équipe en capacité de réaliser une grande performance ?
Je crois que cette grosse volonté de faire un résultat est née d?un sentiment de frustration, de la sensation que l?aventure était inachevée au travers des trois dernières compétitions. Les événements passés ont donné aux filles beaucoup de détermination.
Si tu devais retenir une image positive des J.O. ?
Elles sont nombreuses. Au delà de la joie très intense survenue dans les 10-15 secondes après le coup de sifflet final, c?est l?attitude de Siraba Dembélé. Le dernier tir de la Néerlandaise Loïs Abbingh est détourné par Laura Glauser et le ballon arrive dans le secteur de Siraba. Elle plonge immédiatement dessus pour préserver la victoire. J?ai trouvé cette attitude très symbolique.
Et la négative ?
C?est la frustration de Blandine Dancette de ne pas avoir pu monter sur le podium afin de recevoir sa médaille. C?est une frustration partagée car le staff ne reçoit pas non plus de médaille. Il faudrait que la fédération internationale (IHF) fasse pression sur le CIO car le sport collectif est particulier. On nous demande beaucoup pour préparer les J.O. et on ne peut pas nous exclure au moment de la remise des récompenses.
Après cette médaille olympique, tu aurais pu mettre définitivement fin à ta carrière d?entraîneur. Quelle est ta motivation pour continuer et vas-tu bénéficier d?un blanc-seing pour l?avenir ?
Non je n?y crois pas et ce n?est de toutes les façons pas l?esprit du sport de haut niveau où il faut se remettre en cause. Je peux compter sur mes détracteurs pour tirer à vue dès que l?opportunité se présentera.
L?aventure de Rio est belle mais elle n?est pas totalement achevée. Le groupe est assez jeune et a encore des choses à faire. Au travers des six mois passés avec les filles, j?ai eu la sensation d?avoir encore ce qu?il fallait pour gérer une équipe et apporter mon expérience. Peut-être que le fait que j?ai arrêté 30 mois a permis de me revitaliser. Je me sens plein d?énergie.
Comment reçois-tu les nombreux commentaires et les observations sur l?évolution de ton caractère ?
Nous vivons constamment dans l?excès, on monte les gens et on les descend aussi vite. Avant j?étais apparemment un fou furieux? Cela m?amuse. Et quand une ancienne joueuse rapporte qu?auparavant je leur transmettais mon stress… Cela m?agace. En réalité, l?évolution de mon management s?est faite naturellement. Ce groupe est facile à gérer et les filles ont bien travaillé. Le plus difficile est d?avancer après un grand résultat. Les garçons ont réussi à pérenniser les résultats, c?est remarquable. Je veux continuer à faire progresser l?équipe.
Éric Baradat était ton adjoint depuis en 2002. Comment accueilles-tu son départ et comment se réorganise ton staff ?
J?aime bien cette jolie phrase : « On ne peut pas fixer le soleil trop longtemps. » Toutes les belles aventures ont une fin. Éric part contraint et forcé en raison de son emploi du temps qui est incompatible avec sa mission d?adjoint sur l?équipe de France. J?estime que c?est un départ sans en être un car il va reprendre l?équipe de France junior. C?est un poste capital dans la filière féminine et à ce titre il fait toujours un peu partie du staff de France A. Il est acquis que Sébastien Gardillou va m?accompagner en tant qu?adjoint. Pour le reste du staff, il faut encore régler des questions d?emploi du temps et de statuts. Nous ne serons pas totalement en ordre de match lors de la 1e étape de la Golden League au Danemark (6 au 9 octobre) mais il faudra être impérativement prêt en novembre pour la 2e étape en Norvège (24 au 27 novembre).
Lors de la préparation et à Rio, tu as fait appel à un préparateur mental. Quel était le sens de cette démarche ?
J?ai toujours été favorable à une approche mentale dans la prise en charge des équipes. Je me permets de rappeler que j?ai été précurseur en faisant appel à Sauveur Lombardo. Puis nous avons eu un parcours plus long avec Christian Ramos. Je suis convaincu par ce type de démarche. La vraie faiblesse mentale est de penser qu?on n?en a pas besoin. Les filles ont vécu quelque chose de pas simple notamment pour celles qui ont été plus au c?ur du changement de coach. Lors de mon retour en janvier, elles ont exprimé une demande forte en ce sens. C?était une façon pour elles de pousser la machine à son paroxysme. C?est une évidence de rappeler qu?il faut être bien dans sa tête pour être bien dans son corps et réciproquement. Dans toutes les dimensions de la performance, il faut essayer d?avoir le ou l?un des meilleurs. Richard Ouvrard, c?est l?histoire d?une très belle rencontre. Malgré son emploi du temps, il s?est donné sans compter. Il faut qu?il continue car il peut encore beaucoup apporter au groupe.
L?expérience du Mondial 2007 en France a t?elle compté dans ton choix de prolonger ta mission jusqu?à l?Euro 2018 que la FFHANBDALL est chargée d?organiser ?
C?est une particularité de l?olympiade puisque c?est l?Euro 2018, au milieu du cycle, qui a été identifié comme le temps fort. Bien sûr que je me dis que manager une compétition à domicile représente plus de pression et que ce n?est sûrement pas un cadeau. Mais en même temps, cette compétition va vite arriver et la FFHANDBALL a estimé qu?un changement de sélectionneur n?était pas opportun.
Tu ne seras donc pas directeur sportif de l?Euro 2018?
J?apprécie beaucoup la mission qui m?a été confiée sur le Mondial 2017 masculin. Si je suis sollicité, je donnerai des conseils pour l?Euro 2018 mais pas plus car mon choix est de me recentrer sur le terrain. Le champ du Handball féminin est vaste avec ses quatre équipes de France, la restructuration dans les régions liée à la réforme territoriale? Il y a beaucoup de travail et c?est passionnant.
Les résultats des équipes de France U17 et U19 sont décevants, est-ce une fatalité de jouer si peu les premiers rôles ?
Non évidemment ce n?est pas satisfaisant d?être absent du dernier carré. Mais on préfère clairement une médaille olympique à un titre de champion du monde junior. Ce n?est pas nouveau, des nations ont des filles à maturité plus précoce. Nous ?uvrons tous pour améliorer l?ensemble du dispositif. Dire que c?est tout bon ou tout mauvais, c?est manichéen. Notre système ouvert est la richesse du Handball français mais il comporte des forces et des faiblesses. Il faut trouver l?équilibre et faire preuve de flexibilité
Ta première liste comporte trois joueuses qui n?ont pas participé aux J.O. Est-ce une liste de circonstance ou un signe fort envoyé aux internationales ?
L?équipe de France s?inscrit dans une belle dynamique mais elle a l?obligation absolue de continuer à progresser. Il faut travailler avec les mêmes joueuses tout en offrant des entrées dans le collectif. C?est une nécessité d?ouvrir le groupe d?autant que les prochaines compétitions ne se joueront pas à 14-15 joueuses mais à 16-18.