Dans exactement 50 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. Premier épisode avec les digressions capillaires.

BARCELONE 1992 – HOMMES

Digressions capillaires

Il y a comme un air de fête dans ces coursives profilées par Arata Isozaki, là-bas, sur la colline de Montjuic, en surplomb de la vieille ville et du vieux port. Le Palau Sant Jordi s’apprête à célébrer la CEI, majestueuse devant la Suède. Les Français sont radieux, incandescents. Au cœur de cet après-midi brûlant du 8 août 1992, ils ont décroché la médaille de bronze face à l’Islande. Ils n’ont plus qu’une hâte : grimper sur le podium. L’attente est interminable. Ils trépignent d’impatience. Les voilà enfin. Soudés. Hilares. Par Philippe Pailhoriès

Les handballeurs français ont conquis ce monde par un jeu atypique et tout leur entrain, leur détermination, un peu de désinvolture, aussi, quand certains d’entre-eux ont abordé la demi-finale face à la Suède teints en blond. « C’était un pari décidé à l’arrière d’un bus, au retour d’un match amical à Dunaújváros en Hongrie, se souvient Denis Lathoud, le meilleur arrière gauche du tournoi. Notre groupe était relevé, mais si nous parvenions néanmoins à disputer le match pour la septième place, alors nous devrions marquer le coup avec cette coquetterie capillaire. »

Stéphane Stoecklin avait précédé la bande. Blessé au genou sept mois auparavant, il avait promis d’arriver à Barcelone les cheveux décolorés s’il avait le bonheur de figurer dans la sélection de Daniel Costantini. « Je suis allé chez le coiffeur à Nîmes, raconte-t-il, mais il a un peu foiré la couleur. » Le barbier du village olympique n’a pas été beaucoup plus inspiré lorsqu’il a accueilli Philippe Gardent, Gaël Monthurel, Thierry Perreux et Frédéric Volle après le match contre l’Égypte. « Il nous a pris pour des fous, rigole Gardent, et je me souviens que l’on flippait un peu parce que ça nous brulait le cuir chevelu. » Le noyau, dans le village, ne passe pas inaperçu. « Les Suédois ont crû que l’on se foutait de leur gueule, reprend Gardent, alors que l’on allait juste au bout de notre délire, et de notre connivence. »

Sur ce podium insolite, il ne reste plus que quatre blonds. Stéphane Stoecklin est maintenant rasé. Comme Denis Lathoud, Eric Quintin, Pascal Mahé, Denis Tristant, Philippe Médard et Laurent Munier. « Ceux qui ne voulaient pas de la teinture, éclaire Lathoud, devaient quand même marquer le coup d’une façon ou d’une autre. » Seuls Philippe Debureau, Frédéric Pérez, Alain Portes, Jean-Luc Thiébaut et Jackson Richardson échappent à la tondeuse d’Éric Quintin, maniée dans les vestiaires par Pierre Grillon, le kiné, Denis Tristant ou Frédéric Volle. « En fait, précise Gardent, Jackson avait dû se raser une dread, parce qu’un marabout, à La Réunion, lui avait dit que ses cheveux auraient une grande importance pour la suite de sa carrière. » « Pas une dread, mais une patte », pense Lathoud. « Non, c’était sous les couettes », assure Laurent Munier qui se souvient que sur le podium, Talant Dujshebaev et Mikhaïl Iakimovitch « nous avaient applaudi ». Applaudi un état d’esprit, l’osmose entre ces « Bronzés » bien singuliers.