Dans exactement 36 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. Dix-septième épisode avec « Le bon coup de pub ».

TOKYO 2020 – FEMMES

Le bon coup de pub

Le silence du Yoyogi National Stadium est assourdissant. On entend juste le bruissement des semelles sur le Gerflor®, quelques grognements, le réconfort des garçons bien sûr. Samedi 8 août. 15 h 20. Les Françaises sont bien entrées dans cette finale. Pauletta Foppa est diabolique. Allison Pineau aguichante. Océane Sercien-Ugolin vient d’écoper d’une suspension. Laura Flippes porte l’avance à deux buts sur une passe de Pauletta Foppa. 10-8. Vingt minutes de jeu. Anna Sedoykina joue l’engagement rapide. Elle alerte Anna Sen dans le rond central. L’arrière russe tire dans le but vide.

Amandine Leynaud a tout vu. Tout compris. Elle jaillit. Cavale vers sa cage. D’un geste désespéré, elle dévie le ballon de sa main droite, mais ne peut réguler sa course. Son pied droit s’enfonce dans le panneau publicitaire « Tokyo 2020 ». Les photographes tapis derrière prennent peur. Ses coéquipières aussi. Allison Pineau est la première à s’enquérir de son état de santé. Amandine Leynaud se relève. Une moue sur son visage pâle. « Je me rends vite compte que quelque chose ne va pas, raconte-t-elle. En quelques secondes, mon genou double de volume. Je reviens sur le banc le temps de l’infériorité et je m’adresse à Cléo pour lui dire que je ne peux plus jouer. » Cindy Conort examine l’articulation. « Il y avait un gros œuf à la place du genou », image la gardienne.

Amandine Leynaud serre les dents. Elle s’arc-boute jusqu’à la pause. « Franchement, sourit Cléopâtre Darleux, je me souviens bien de cet épisode du panneau, mais pas des mots ni de la douleur d’Amandine. C’est une finale, nous sommes toutes hyper concentrées. Dans ces moments-là, tu fais abstraction de tout, du contexte, de la douleur. Moi-même, je traîne une gêne aux ischios, mais l’essentiel est évidemment ailleurs. » Il est sur ce 40×20 japonais. Cléopatre Darleux démarre la seconde mi-temps. Elle est parfaitement irrévérencieuse. 9 arrêts à 43% de réussite. « Elle est épatante, oui, félicite Amandine Leynaud, elle symbolise la force de notre collectif au cours de ce Tournoi, chacune a su apporter à un moment-donné. » « Je savais que je pouvais entrer à tout moment, répond sa complice, que je devais être prête. »

La France est championne olympique. Une danse s’improvise sur cet échiquier garni de reines. Les filles entonnent le fameux « Fèmé boutik, fèmé !». Amandine Leynaud est la dernière à rallier la gambille. « Je ne pouvais plus marcher, justifie-t-elle. Tout le monde a fait la fête et je traînais une grosse poche de glace sur mon genou. Franchement, j’ai eu très mal. J’ai fait en sorte de ne jamais le montrer, mais c’était intense. » Pendant un mois et demi, elle ne se mouvra qu’en boitillant : « Il y avait une grosse boule de sang, comme une grosse patate. » Un œuf. Une patate. Peu importe. La fricassée était savoureuse.