Dans exactement 45 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. Sixième épisode avec « Jackson Richardson porte-étendard ».

ATHÈNES 2004 – HOMMES

Jackson Richardson porte-étendard

Ce ne pouvait être que lui. Pour son palmarès. Son charisme. Sa renommée internationale. Jackson Richardson est celui qui incarne le mieux les valeurs olympiques. Promouvoir le développement des qualités physiques et morales qui sont au fondement du sport, « aider à construire un monde meilleur et pacifique », prônait même le Baron…

Ce 13 août 2004, peu après vingt et une heure, Jackson Richardson n’est pourtant pas très serein. Dion Crabbe et la délégation des Îles Vierges britanniques viennent de s’élancer. C’est maintenant à son tour. La musique de Stávros Xarchákos enivre le stade olympique d’Athènes. Les 71 030 spectateurs sont béats. Le voilà enfin, là-bas, dans la pénombre. Veste noire, pantalon beige, cravate chamarrée. Le drapeau bien calé dans le harnais de sa ceinture. Derrière lui, les 314 autres athlètes français. « Je me souviens d’avoir entendu le speaker annoncer le nom de la France, sourit-il, d’être sorti de la nuit pour entrer dans la lumière, seul, puis d’avoir été emporté par ce bruit. Ça donne la chair de poule. Il n’y a pas l’adrénaline de la compétition, pas la pression d’une finale. Juste du plaisir pur. On a un peu le trac mais il disparaît pendant le défilé. »

Il serre le drapeau de sa main gauche. Son sourire illumine le défilé. Cent mètres, maintenant, ont été avalés. De sa main droite, il commence à peine à saluer le public, croit reconnaitre quelques amis. Il n’avance pas très vite. Papote avec Laura Flessel ou Amélie Mauresmo. « Non, ce n’est pas ça, jure-t-il, mais je ne voulais pas vivre cet honneur seul, mais plutôt le partager. Alors je prenais mon temps. Je parlais à tout le monde. Même au drapeau. Et je voyais la délégation de devant s’échapper. Et on me demandait d’accélérer un peu… »

Il dit que « porter le drapeau est une émotion unique. On a beau gagner des médailles ou des titres, rien ne vaut de vivre ce truc-là. » Il dit aussi, du bout des lèvres seulement, qu’il est fier. Il est le premier représentant d’un sport collectif à avoir eu cet honneur. Le premier handballeur au monde. Ivano Balic, Heykel M’Gannem, Luisa Kiala, Bojana Popovic et quelques autres lui ont, depuis, emboité le pas.

Il est presque minuit lorsque Björk entonne « Oceania ». Il est éreinté. « On y laisse beaucoup d’énergie, rigole-t-il, on met plus de temps à récupérer qu’après un match. » Le lendemain, la France écrase le Brésil. Dix jours plus tard, elle stoppera sa course face aux papis russes. Jackson Richardson a les idées noires lorsqu’il retrouvera le stade, pour la cérémonie de clôture. « J’aurais aimé une meilleure fin, justifie-t-il. Les athlètes qui ont porté le drapeau avant moi ont tous été médaillés. J’ai cassé le maillon de la chaîne, je m’en suis excusé. Cette cérémonie était à l’opposé de la précédente. J’étais seul ou presque. Et je vivais une période de frustration personnelle vis à vis du sélectionneur. Ce n’était pas le meilleur moment de ces Jeux. »