Dans exactement 44 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. Septième épisode avec « Accambray, 798 secondes d’éternité ».

LONDRES 2012 – HOMMES

Accambray, 798 secondes d’éternité

Il en avait assez de n’être qu’un partenaire d’entraînement, spectateur frustré dans la moite Copper Box de Londres, « joueur alternatif » comme le stipulait son accréditation. William Accambray était le quinzième homme, celui qui dormait dans le salon, là-bas, au pied de la machine à café. Tous les matins, Jérôme Fernandez, premier levé, le réveillait en faisant couler son arabica. « Quand Claude Onesta m’a annoncé mon rôle, j’étais à la fois content de partir mais dans la plus totale incertitude quant à ma participation. »

Le sélectionneur avait bien essayé de l’apaiser en lui assurant une place dans l’équipe à compter des quarts de finale. Mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Il ne l’avait pas beaucoup fait jouer à l’Euro précédent en Serbie en dépit de son 10/11 face à l’Islande. Et puis il avait eu des mots assez durs à son endroit : « il n’est pas opérationnel dans sa tête. »

Mercredi 8 août à 14h30. Les Français disputent le quart de finale face à l’Espagne. William Accambray, après dix journées de préparation physique assurée par Alain Quintallet, est sur le banc, à la place de Guillaume Joli à qui on a diagnostiqué une très légère inflammation du genou. Le match est tendu. Les Espagnols mènent 6-1 après un quart d’heure de jeu. Encore 12-9 à la pause. « On m’a demandé de m’échauffer, puis Jérôme (Fernandez) a mis un but et je suis retourné m’asseoir. »

Début du deuxième acte. Le puissant droitier est enfin sur le parquet. Son premier ballon, il le dédie à Cédric Sorhaindo. Son deuxième, il le propulse au fond du filet d’Arpad Sterbik, auteur d’une première mi-temps à 60% d’arrêts. « J’avais hâte, bien sûr, se souvient-il. Je suis entré avec tout mon enthousiasme, j’avais confiance en moi. Je n’ai hésité sur aucun de mes shoots. Mais je n’ai pas forcé non plus. S’il fallait décaler ou servir le pivot, je privilégiais la solution. Je savais que j’avais les moyens de remettre un peu d’ordre dans l’équipe qui s’était un peu éparpillée. »

Sept buts au total, dont trois consécutifs pour offrir le premier avantage du match aux Bleus (48e). En seulement treize minutes et dix-huit secondes puisqu’il sortait en défense. Avec, en prime, ce final ébouriffant. 22-22. Vingt-trois secondes à jouer. Balle à la France. Sur ce temps-mort confus, chacun y va de sa consigne et il semble qu’un « yago » inverse soit privilégié. C’est finalement Nikola Karabatic, guerrier au cuir chevelu ceint d’un bandeau blanc, qui prend l’initiative. Il a son pied gauche dans les neuf mètres lorsqu’il déclenche. Jorge Maqueda le déstabilise un peu. Mais le bras gauche de Sterbik est ferme. Le ballon vole jusqu’aux six mètres où William Accambray s’est tapi. Il le saisit au vol et le catapulte sur la droite de Sterbik. Sa mère lançait le disque, son père le marteau, sa sœur le javelot. Lui, c’est cette boule de cuir.

Son premier regard est pour cette tribune dans laquelle il a tant usé son pantalon de survêtement. Le second pour ce banc en train d’exulter. Il saute maintenant dans les bras de Xavier Barachet, complice d’enfance. Dans la zone mixte, face aux journalistes, il aura droit à cette ultime pique du sélectionneur : « attention à ne pas être le corbeau de la fable de La Fontaine. » « Ça voulait dire : attention à garder les pieds sur terre même si tout le monde me flatte. Je lui ai répondu : t’inquiète, je n’aime pas le fromage. »