Dans exactement 26 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. 25e épisode avec « Le GR vain ».

SYDNEY – FEMMES
Le GR vain

C’est une autre carte postale à la lumière crue et aveuglante. A Lillehammer, six mois plus tôt, le soleil ne se levait presque pas, ou alors pour de brèves apparitions au-dessus de la ligne d’horizon. La neige baignait le paysage dans une lumière pleine de poésie. Ici, entre Vizzavona et Conza, sur les sentiers arides du plateau du Prati, ce mélange de rocaille et de volupté, la chaleur est oppressante et la touffeur réclame des efforts inouïs. « Je voulais renforcer la cohésion du groupe, se souvient Olivier Krumbholz, et le GR 20 est un parcours de randonnée mythique, l’un des plus beaux et difficiles en Europe. »

Alors il a emmené ses filles dans cette Corse secrète et sauvage, rude, évidemment. Pour éprouver leur goût de l’effort. La force de leur caractère à la veille de leurs premiers Jeux olympiques. « Nous dormions sous la tente mais nous dinions dans des gîtes, raconte le sélectionneur, les filles portaient des sacs à dos d’une quinzaine de kilos, avec leur tente, leur duvet, trois litres d’eau, et nous marchions cinq à six heures par jour. »

Un exercice âpre, de plus en plus douloureux au fil des étapes. « J’adorais ça, sourit Raphaëlle Tervel. Il y avait des passages vraiment techniques, avec même quelques collines à escalader. Avec Leila Lejeune et Stéphanie Ludwig, nous étions sans cesse devant, il nous arrivait même de galoper un peu à l’approche d’une arrivée, ce qui ne plaisait pas vraiment à Olivier… Mais derrière, c’était plus compliqué. »

L’effort laisse en effet des traces, des tensions compliquent la progression. « Des filles étaient en difficultés, c’est vrai, indique Olivier Krumbholz. Un de nos kinés a eu du mal aussi, à tel point qu’il partait plus tôt que nous pour ne pas nous ralentir. Un jour, il a emprunté un mauvais chemin à une patte d’oie et il s’est perdu. »

La joyeuse bande est vite dépenaillée. Les clans bisontin et messin se battent froid. Cette tentative de Team-building ne produit pas l’effet escompté même si la mémoire collective retient aussi les baignades dans les rivières, les soirées au camp et la beauté époustouflante des paysages. « C’était la période où mon degré d’exigence était élevé, admet Olivier Krumbholz, et un journaliste, dans le Canard Enchaîné, avait titré : un entraîneur aux méthodes de sergent-chef de GI américains. »

Des méthodes pas complètement efficaces. L’épopée s’achève sur la mer, pour une excursion en kayak qui n’apaisera pas les divergences. « Les filles vomissaient sur les bateaux, décrit Philippe Bana, alors adjoint d’Olivier Krumbholz, et j’ai le souvenir d’un groupe fissuré, à l’opposé de ce que nous avions souhaité en arrivant ici. »