La semaine prochaine s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. 49e épisode avec « Lettre au coach ».

SYDNEY 2000
Lettre au coach

C’est un premier moment de douleur et le mémorable quart de finale abandonné aux Danoises après prolongation ne console personne. « Ces Jeux,résume Philippe Bana, ont été très tendus jusqu’à leur terme. Les filles découvraient à quel point la vie en commun peut être pénible. Cent vingt jours ensemble dans l’année, c’était manifestement trop. »

Les tensions, oui, sont palpables, jour après jour, les conflits nombreux, la rupture presque consommée. « Olivier allait jusqu’à surveiller la musique que nous écoutions, justifie Stéphanie Cano. C’était trop et nos rapports étaient vraiment très tendus. » De retour sur sa terre girondine, au calme sans être apaisée, elle ose poser des mots sur les maux. Insatisfaite, frustrée, elle écrit une lettre à Olivier Krumbholz. « Un long mail dans lequel je décrivais les angoisses que ses engueulades provoquaient chez les filles. »

Stéphanie Cano a vingt-six ans à Sydney, et une histoire déjà tourmentée avec l’équipe de France. « Elle joue ce quitte ou double en pleine conscience, se souvient Philippe Bana. Elle devine une urgence qu’elle verbalise à sa façon, quitte à mettre sa place en péril. Personne n’osait alors rien dire. Elle assume le risque. C’était la première fois qu’un soldat secouait ainsi le général Krumbholz. »

Cette lettre a profondément marqué le sélectionneur. Il l’a confirmé le mois passé dans les colonnes de Madame Figaro. « Pendant des années, je n’ai pas eu, ou très peu, de concertation avec mes joueuses, y explique-t-il. La première qui a introduit l’idée qu’il me serait profitable de les écouter davantage a donc été Stéphanie Cano. Dans cet e-mail, très respectueux et détaillé, elle m’expliquait ce qu’elle avait ressenti quant à mon fonctionnement. Il y avait des critiques, mais pas uniquement… Nous nous sommes rencontrés, je l’ai écoutée, car elle avait une démarche constructive pour l’équipe. Cela a enclenché mes premiers pas vers une collaboration différente avec les joueuses. »

La leur a notamment évolué. « À partir de ce moment-là, sourit Stéphanie Cano, nos relations se sont humanisées. À tel point qu’il m’a même confié le brassard de capitaine. » « Parce que, éclaire Philippe Bana, Olivier s’est dit : ça y est, j’ai une taulière. Cette lettre l’a longtemps poursuivi, et l’a transformé, j’en suis certain. »Il a aussi changé Stéphanie Cano, joueuse au caractère affirmé, attachante, audacieuse et généreuse. « Une personne de grande qualité,conclut Olivier Krumbholz. Franche et loyale. »