Dans exactement 3 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. 47e épisode avec « Le chef d’oeuvre d’Abalo ».

LONDRES 2012
Le chef d’oeuvre d’Abalo

Il a le sentiment du beau. Le goût de l’art. Ses propres règles et des habiletés inaccoutumées. Il a l’habitude. De créer. D’assumer ses penchants. Luc Abalo est un artiste et le véritable artiste est celui qui simplifie tout.

58 minutes et 46 secondes se sont écoulées depuis le coup d’envoi de cette finale contrôlée, dominée, en dépit de cette fin oppressante. Le jet à sept mètres de Michaël Guigou a atterri sur le poteau de Mattias Andersson. Le tir sans angle ni allure de Luc Abalo a trouvé Johan Sjostrand sur sa trajectoire. La caresse de Nikola Karabatic sur le râble de Kim Ekdahl du Rietz lui a valu deux minutes de pause. La gourmandise de Xavier Barachet, malicieux puis candide, a pesé d’un poids insolite. Alors, quand Niclas Ekberg vient inscrire son sixième but sur la ligne de réparation, la Suède, étonnement indemne, revenue à un but minuscule, se prend à rêvasser.

Les Français ne sont que cinq dans cette moitié de terrain lorsque les soixante dernières secondes commencent à s’égrener. Ekberg défend sur Daniel Narcisse, danger identifié. Jérôme Fernandez s’immisce au pivot. Il y a Michaël Guigou à la mène et deux gauchers, Xavier Barachet et Luc Abalo. Le jeu se resserre maintenant sur la droite. Tobias Karlsson, Magnus Jernemyr et Kim Ekdahl du Rietz forment un bloc en même temps qu’ils jugulent Fernandez. Luc Abalo s’approche une première fois. Préliminaire sans effet. Il tente alors une seconde approche. Fernandez s’est écarté, surveillé par Karlsson. L’intervalle entre Jernemyr et du Rietz existe. Étriqué. Presque imperceptible. 

Quarante-trois secondes à jouer. Être artiste est une des choses que l’on peut faire sans avoir à suivre de règles. Luc Abalo s’engage. S’engouffre. Son pied d’appel est sur la ligne des neuf mètres. Il est comme en apesanteur. Jernemyr a le malheur de détourner son attention une minuscule seconde. Il s’appuie sur du Riez, déclenche sur la droite de Sjostrand, coin bas. 22-20. Il regagne maintenant ses pénates. Bras gauche et index tendus vers la foule puis vers le banc tricolore. Il jubile. « C’est dur, parce que je suis poussé, se souvient-il, et il fallait avoir la force d’aller chercher cet angle-là. Tu donnes tout ce que tu as dans le bras, mais il faut le faire de façon intelligente. »

La Défense tout terrain des Scandinaves n’y change rien. Douze secondes à tenir après le temps-mort. Xavier Barachet en grappille quatre. Daniel Narcisse les huit dernières. Le chef-d’oeuvre de Luc Abalo est d’or.