Dans exactement 6 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. 45e épisode avec « Surf sur la vague. »

PÉKIN 2008
Sur sur la vague

France est championne olympique. Pour la première fois de son histoire. Les scènes de liesse ressemblent à toutes les autres réjouissances, instants précieux d’allégresse pure. Joël Abati enlace Sigfús Sigurðsson, son vieux complice des années Magdebourg. Et puis chacun y va de son accolade, son étreinte. Christophe Kempe est parmi les plus radieux. Nikola Karabatic peine à contrôler son émotion. Le bras en écharpe, Jérôme Fernandez est lui aussi de la fête. Des minutes d’ivresse pour l’éternité.

Le protocole se met gentiment en place. Les Bleus sont dans le vestiaire, encore émoustillés. Ils s’habillent d’une veste blanche fermée jusqu’au col. Les officiels les pressent maintenant à se présenter sur le podium. La cérémonie dans le palais national omnisports est impérieuse, minutée. Sauf qu’ils n’autorisent pas la présence de Jérôme Fernandez, blessé dès le troisième jour face à la Croatie, sur la plus haute marche. « On a alors été très clairs, se souvient le capitaine Olivier Girault. Soit nous y allions tous les quinze, soit personne n’y allait. Ça a été un drôle de branle-bas. Tout le monde courait dans tous les sens. Il fallait d’abord autoriser la présence de Fernand. Puis trouver une quinzième médaille. Ça a pris un peu de temps, mais ils y sont arrivés. »

Entourés des Islandais et des Espagnols, ces Bleus ont fière allure sur l’estrade jaune. Lorsque le speaker les invite à grimper enfin, ils esquissent un geste censé représenter un surfer sur une vague. Pourquoi ce geste d’ailleurs ? « Je n’en ai aucune idée, répond Cédric Paty. On avait imaginé ça dans le couloir, juste avant de revenir dans la salle. » « En fait, appuie Cédric Burdet, c’était n’importe quoi, mais nous voulions marquer le coup. »

Christophe Kempe a bien une hypothèse plausible. « Nous avions commencé notre préparation olympique à Capbreton, se souvient-il, et nous avions même bénéficié d’une initiation au surf. Voilà pourquoi nous avons choisi cette forme de célébration. Je crois d’ailleurs que l’idée vient de Guillaume Gille. » « C’est plutôt Daniel Narcisse qui était à l’initiative »,croit se souvenir Bertrand Gille. « C’est une légende urbaine, rigole Olivier Girault. On n’avait rien anticipé du tout. Tout s’est décidé au pied du podium. On n’a pas cherché à inventer quoi que ce soit, sans doute que c’était une bribe de l’âme des Barjots. »

La posture est en tout cas mal maîtrisée. Elle dure à peine trois secondes. Il n’y a ni harmonie, ni coordination. Joël Abati est à l’envers. « Je me suis mal positionné, justifie-t-il, je suis parti du mauvais pied. La vérité, c’est qu’on aurait été de piètres surfers. » Trois officiels s’approchent du podium, accompagnés de deux demoiselles en robe azurée. Les Français se sont retournés pour communier avec leurs supporters. Les voilà donc dos au protocole. L’un des hommes en costumes tapote l’épaule de Didier Dinart pour l’inviter à un demi-tour. Éclat de rire général. « Ce moment-là était surréaliste, concède Jérôme Fernandez. Je ne me souviens pas des détails, mais d’une belle pagaille. »

L’histoire retiendra que cette équipe qui a menacé le déroulé de la cérémonie était unie et que cette unité n’était pas négociable. Elle retiendra aussi que l’équipe de France a peut-être lancé une mode. Le surf n’existait pas dans l’empire du milieu en 2008. La baie de Riyue, sur l’île de Hainan, est aujourd’hui un spot prisé et Houhai, village typique de pêcheurs aux dents rouges à force de chiquer le bing lang, un repère pour les jeunes surfeurs en quête de liberté.