Il est l’un des membres les plus éminents du Hall of Fame, international à 307 reprises entre 2002 et 2021, titré à dix reprises dans cette période dorée. A 42 ans, Michaël Guigou est prêt à transmettre cette expérience auprès de l’équipe de France U17 dont il est le nouveau sélectionneur, au relais de Guillaume Joli.

Quel genre de joueur étais-tu à 15-16 ans ?

Un joueur fougueux. Plein d’envie. J’étais à Apt. Je baignais dans les premières épopées de l’équipe de France championne du monde en 95. Le handball sortait alors de son anonymat, je suivais fatalement les épopées de l’OM-Vitrolles. Je me souviens à la fois d’un moment fabuleux, et aussi lourd à porter avec la notion de double projet à mener. J’étais en section sport/études avec Michel Cicut, mes parents m’entraînaient à Apt, je vivais mes premiers stages nationaux, mes premières sélections et porter ce maillot tricolore était un sentiment extraordinaire. Je vivais ma passion, j’étais en train de devenir un jeune homme, plein de choses se passaient dans ma vie, aussi bien physiquement, sentimentalement, amicalement, professionnellement.

A cet âge-là, songe-t-on encore à s’amuser, ou le projet d’évoluer au plus haut niveau est-il déjà ancré ?

Ça a évolué. Les jeunes sont de plus en plus accompagnés avec un centre de formation qui les attend -ou pas- derrière, des contrats qui peuvent être donnés en tant que jeunes professionnels. La notion de plaisir doit être présente, forcément. Mais c’est aussi le moment où tu décides vers où tu as envie d’aller. Tu passes des mois et des années à te dire que tu prétends à ça, à être un grand joueur, peut-être un international, et c’est à cet âge-là que tu as l’opportunité de te donner les moyens d’y parvenir avec la mise en place d’un accompagnement de très haut niveau.

Tu étais l’idole de la plupart des joueurs que tu vas diriger. Ne crains-tu pas qu’ils aient du mal à te regarder comme un entraîneur ?

Non, pas du tout. Déjà, ça fait un moment que j’ai arrêté de jouer et, sincèrement, je me vois plus comme un entraîneur, un accompagnateur que comme un ancien joueur. Et puis j’avais déjà la casquette d’adjoint de Guillaume (Joli), et je pense que les jeunes verront ce changement de statut plutôt qu’un ancien joueur avec un vécu certes important, mais désormais concentré sur tout autre chose. 

Tu auras à tes côtés un formateur hors-pair en la personne de Philippe Schlatter, rompu aux arcanes du PPF. Comment allez-vous collaborer ?

De manière très complémentaire. Philippe est le technicien idéal, le meilleur que je pouvais espérer à mes côtés. On s’était croisé a divers moments de la détection. Il connait parfaitement la filière, il a un retour riche de tellement d’années sur la formation, l’analyse des comportements, la finesse de l’accompagnement, la préparation… Il va m’aider à être vigilant pour qu’on puisse, avec les autres entraîneurs, Bruno Potard, Renaud Boulanger et Benoît Peyrabout, apporter notre vécu, notre expertise, au service de tous ces jeunes.

Qu’as-tu envie de leur inculquer en premier lieu ?

L’état d’esprit dans un premier temps. L’état d’esprit de compétiteur. Une sorte d’ouverture d’esprit également. Je veux qu’ils soient perpétuellement dans le questionnement. En fait, c’est un ensemble de paramètres qui vont les aider à se développer, à se construire, à accepter leurs forces autant que leurs faiblesses. Je vais m’efforcer d’être un guide pour qu’ils puissent développer toutes ces armes-là. Un cursus a été mis en place depuis un an sur l’accompagnement mental pour les aider à se développer, se connaître, se comprendre, les aider à formaliser, analyser certaines forces et faiblesses, les utiliser, les perfectionner ou les réduire. Leur détermination est forcément très importante. S’ils sont déterminés, ils seront acteurs et moteurs de leurs propres performances. Beaucoup de jeunes veulent être un équipe de France, mais la place n’est pas donnée à tout le monde. Je veux les alerter sur les ingrédients nécessaires pour aller chercher la performance. La collaboration, la communication, toutes les choses qui font la différence entre un champion et un très bon joueur. 

Tu avais déjà dirigé des jeunes à Montpellier, puis à Nîmes, avant d’accompagner Guillaume Joli. Quand as-tu eu le déclic ?

Tout de suite. J’étais quasiment encore en activité lorsque je me suis projeté. Au travers de ce que j’ai vécu auprès de garçons comme Yohan Delattre, Pierre Alba ou Sylvain Nouet, j’ai compris à quel point ces moments-là étaient hyper riches et importants. 

As-tu toujours su que tu entraînerais ?

Non. Je me suis surtout posé la question à trente ans, lorsque ma carrière était ralentie par les blessures. J’ai procédé à un bilan de compétence pour faire le point et, à la fin de ma carrière, ça m’est apparu de manière évidente.

Quand as-tu passé tes diplômes ?

En 2018. J’ai entraîné les U18 à Montpellier pendant deux ans avec Jérôme Diaz et Erik Mathé qui était mon tuteur. Par la suite, à Nîmes, j’ai aussi procédé à des entraînements individualisés. Je crois beaucoup à l’individualisation de l’entraînement comme ça se fait avec les gardiens, l’accompagnement mental ou, de plus en plus, dans les séances de musculation. Prendre le temps de corriger un appui, un geste, ça me passionne vraiment. Je suis par exemple fan de NBA, et lorsque les techniciens détectent, observent, ils ont des moyens différents des nôtres, et je veux comprendre comment ils font.

Vas-tu t’inspirer de la méthode de Michel Cicut pour transmettre ton expérience ?

La force de Michel, c’est qu’il a réussi à te faire travailler dans environnement de rigueur, de passion et de plaisir. C’est beau d’avoir ressenti ça en tant que joueur. Dans un environnement, serein, tu t’amuses, mais tu vas surtout chercher de la rigueur, de l’excellence. C’est sans doute moins facile lorsque tu n’as les joueurs que cinq semaines dans l’année. Mais lors d’une semaine de regroupement à Lyon, nous allons alterner les grosses séquences de travail avec les moments de cohésion. Il y aura ainsi une initiation au HandFauteuil, des discussions avec un arbitre pour échanger sur les règles. En fait, l’idée est vraiment de leur faire comprendre que ce maillot de l’équipe de France est riche d’une histoire et qu’il faut la respecter, l’honorer, et de les développer aussi en tant qu’individus. Éric Quintin a très bien réussi ça pendant des décennies dans la filière jeunes.

Iras-tu voir les jeunes joueurs dans les Pôles ou les centres de formation ?

C’est à définir. J’interviens déjà le mardi et le jeudi dans le Pôle de Montpellier au côté de Marc Ferron. Le but, c’est de garder le contact avec le terrain quasiment au quotidien. Je veux être au plus près d’eux pour comprendre comment ils vivent et comprennent les choses. Je suis très heureux que Marc et Jean-Pierre Mounier m’aient sollicité pour cette mission.

En plus de ce rôle de sélectionneur, tu seras également l’un des ambassadeurs de la FFHandball. Comment imagines-tu cette mission ?

J’aime tellement mon sport que lorsque l’on m’a demandé si j’étais motivé par l’idée de le promouvoir, je n’ai pas hésité une seconde. Je peux aider de plein de manières différentes, auprès des jeunes, donc, au travers de la fondation HandSolidaire également, ou pour entretenir les relations avec les partenaires. 

En quittant Nîmes, tu évoquais d’autres projets, auprès des entreprises notamment. Sont-ils toujours d’actualité ?

Plus que jamais. Avec deux anciens copains, deux passionnés, Alexandre Bressy et Frédéric Fouque, aujourd’hui président de Vitrolles, nous développons notamment deux projets. Le premier a trait à l’accompagnement d’un CFA, Campus Privé, dans lequel l’objectif est de mettre en avant les valeurs du sport telles que je les perçois, dans les différentes formations. Une option sport va être développée avec des capsules vidéo. L’autre, Like Sport est une application digitale gratuite au service des sports amateurs pour se développer, promouvoir par exemple le bénévolat, la formation. Et puis j’interviens également dans les entreprises pour partager mon expérience.

Comment as-tu vécu l’élimination de l’équipe de France en quart de finale des Jeux olympiques ?

De manière douloureuse. J’étais consultant pour RMC, j’étais dans les tribunes, c’était dur, forcément. Douloureux de sentir qu’ils ne parvenaient pas à rentrer comme il faut dans la compétition, avec ce sentiment de recherche d’un équilibre qu’ils ont peut-être trouvé un peu trop tard. Le paradoxe, c’est que le match contre les Allemands est plutôt bon, et c’est le dernier… J’ai accompagné 90% de ces joueurs, j’ai été champion olympique il y a trois ans avec certains, et je comprends leur déception. C’est une cicatrice qui va rester, mais aussi, très certainement, un moment décisif et peut-être fondateur pour la suite de leur vie de groupe. 

Guillaume Gille avec les A, Guillaume Joli avec les U21 ans, toi avec les U17, Daouda Karaboué et Yohann Ploquin avec les gardiens, un ancien international fera-t-il forcément un bon sélectionneur ?

Non. Pas forcément. J’ai envie de dire, comme je l’ai dit pour le jeune joueur, qu’il n’y a que le travail, la remise en question, la capacité à savoir écouter, qui peut faire la différence. Mon objectif n’est pas de m’asseoir sur mon vécu. Certains anciens grands joueurs n’ont pas connu de beaux jours en tant qu’entraîneurs. Et certains excellents entraîneurs n’ont pas été de grands joueurs. Mais le ressenti que l’on peut avoir après vingt années de terrain, la succession de moments d’échec, de doutes, tout ce qui fait l’histoire d’une carrière, la tienne et celle des gars dont tu as partagé le quotidien, sont autant d’expériences qui peuvent aider.