Il va certainement atteindre les 100 sélections (98 avant Hongrie-France) cette semaine à Varazdin. Mathieu Grebille entame sa 13e année parmi les Bleus et apparait comme un taulier discret, un grand-frère au service du collectif.
Pour la première sélection, Luka Karabatic te devance de quelques mois seulement, pour autant tu n’es pas souvent cité comme un ancien. Qu’est-ce que cela t’inspire ?
Effectivement ça commence à faire un moment que je suis là et j’en suis très content, très fier. Pourquoi on n’y fait pas forcément allusion ? Bah peut-être parce que j’ai l’air encore jeune. Blague à part, je pense qu’il y a tellement de joueurs très expérimentés, de jeunes joueurs qui évoluent dans les plus grands clubs, qu’ils enchaînent les compétitions, qu’ils ont déjà gagné… Qu’en réalité je n’ai pas beaucoup plus d’expérience que tous ceux-là. J’essaie quand même de leur apporter mon vécu. J’ai loupé pas mal d’occasions et c’est une des choses que je leur dis : peu importe le niveau ou le talent, on ne sait pas de quoi demain sera fait. Tout peut arriver, comme une blessure à un mauvais moment. Le fait de pouvoir être encore là aujourd’hui, c’est une réelle fierté.
Considères-tu ta panoplie comme décisive dans ton utilisation aujourd’hui en équipe de France ?
J’ai su tirer avantage de ce qui aurait pu me pénaliser. Le fait d’avoir eu de nombreuses blessures a contribué à adapter mon jeu qui m’exposait beaucoup auparavant. Jouer à différents postes m’a jusqu’à présent plutôt réussi. Maintenant, si on me demande si je m’amusais plus quand j’étais arrière gauche, alors oui je pouvais un peu plus jouer au ballon. Mais peu importe les différents rôles que je suis amené à tenir, je continue d’apporter le maximum.
Joueur d’équipe, cela te convient ?
Complètement. Même si cela fait toujours plaisir, je n’ai jamais trop aimé être dans la lumière. C’est vrai, je me considère vraiment comme un soldat, au service de l’équipe parce qu’au final, quel que soit mon rôle, ce qui compte c’est d’aider l’équipe à gagner le match et aller le plus loin possible dans la compétition. On ne peut pas tous être les stars de l’équipe et mettre 10 buts à chaque match, ce n’est pas possible. C’est ce qui fait aussi la force de cette équipe de France : elle a tellement de joueurs forts à chaque poste que la lumière peut venir d’un joueur ou d’un autre.
Il faut une sacrée force de caractère pour toujours se tenir à disposition de l’équipe de France sans garantie aucune de disputer les grandes compétitions…
C’est un peu la difficulté lorsqu’on est 3e au poste mais c’est ce qui m’amène aussi à continuer d’avancer. Je n’ai jamais considéré que ma place était acquise en équipe de France. La France est une nation remplie de tant de joueurs qui rêvent de porter ce maillot tricolore. Je considère que c’est une véritable chance au regard des épreuves que j’ai pu traverser. Forcément on est déçu lorsqu’on voit l’équipe avancer, quand on la voit gagner alors qu’on ne fait pas partie de l’aventure. D’autant plus quant on a pu partager des moments extraordinaires avec cette équipe, on sait la valeur que cela a et on a envie de les revivre. J’ai toujours dit que je préfère voir l’équipe de France gagner et ne pas y être, que de ne pas gagner en faisant partie de l’équipe. Mon objectif est à chaque fois d’être le meilleur possible en club et comme je l’ai déjà dit au sélectionneur s’il a besoin de moi, il a mon numéro. Je répondrai toujours présent.
Lors des qualifications à l’EHF EURO 2024, tu avais été capitaine en Lettonie. Quel souvenir en conserves-tu ?
Ce n’est pas forcément quelque chose auquel j’étais très attaché mais c’est toujours un honneur. C’était sur une semaine un peu particulière où il y avait eu beaucoup de joueurs au repos. Je faisais partie des plus anciens et j’ai pris cela comme une forme de reconnaissance et ça, c’est appréciable. À chaque fois que j’ai l’occasion de de porter ce maillot je suis déjà fier. Avoir été capitaine, c’est une anecdote en plus à raconter plus tard.
Au fil des années et des différents groupes, tu es un témoin privilégié pour évoquer les valeurs qui passent de génération en génération…
C’est un des points forts du patrimoine du handball français. Ces notions de respect et de partage des plus anciens qui ont donné cette volonté de réussir et de mettre le handball français le plus haut possible. Le fait de pouvoir évoluer avec des grands joueurs qui ont tout gagné, c’est inspirant et motivant pour les jeunes de les voir ainsi au quotidien, de voir leur rigueur en club et en équipe de France. Cela permet au jeune joueur de se rendre compte de tout ce qu’il faut faire pour y arriver. Peu importe les générations ; à chaque fois qu’un joueur arrive, il est accueilli de la meilleure des façons avec la volonté de l’aider pour qu’il apporte le plus possible à l’équipe.
Tu es né à Paris, tu as grandi en Martinique puis tu as longtemps évolué à Montpellier avant de t’installer à Paris. Alors Parisien ou Martiniquais… ou Montpelliérain ? D’ailleurs faut-il vraiment choisir ?
C’est une richesse de pouvoir grandir avec plusieurs cultures. J’ai eu la chance de grandir en Martinique pendant une dizaine d’années. C’est là-bas que j’ai commencé le handball. Cela correspond à une période qui a défini ce que je voulais faire et ce que je voulais être plus tard. La moitié de ma famille est Martiniquaise alors il y a une part de moi qui restera toujours en Martinique. Je vis à Paris et j’ai vécu aussi 10 ans à Montpellier. Vivre dans différentes régions, dans différentes cultures, m’a beaucoup apporté. Je serai toujours attaché à la Martinique même si ça fait maintenant bien longtemps que je suis parti.
Ta fibre artistique s’étend jusque dans la salle des kinés de la Maison du handball. Quelles sont tes influences ?
C’est à la Martinique que j’ai commencé à dessiner. Ma mère est prof de danse, mon père dessine. J’ai toujours aimé dessiner, j’ai toujours lu des BD. J’ai toujours baigné là-dedans. Grandir dans les Caraïbes a eu une influence dans la mesure où c’est proche des USA avec la culture hip-hop, le street-art… J’ai toujours été intéressé par le style visuel des artistes, plus que par leurs origines ou par les messages véhiculés.
Évoquons, si tu veux bien, ton arrière-grand-père, Roger Michelot, sacré champion olympique à Berlin en 1936, face à un boxeur allemand. C’était une histoire singulière et forcément inspirante quand tu as disputé les J.O. à Rio, 80 ans après, …
Ce n’est pas un sujet que l’on évoque tous les jours en famille mais, oui, c’est une inspiration et une fierté. Cela fait partie de l’histoire de la famille. En 2016, c’était un moment unique d’avoir la chance de participer aux Jeux. Malheureusement, je n’ai pas réussi à finir sur la plus haute marche du podium. Nous ne sommes pas passés loin mais c’était déjà énorme de pouvoir repartir avec une médaille d’argent. Ma famille avait fait le déplacement et cela reste des moments extraordinaires. Cette médaille est venue s’ajouter à l’édifice dans l’historique familial.