Sollicité pour arbitrer une partie de l’entrainement mercredi passé à Calvi, Jérémy Grisel issu du Handball Club Ajaccio (et son binôme Joan Borelli, licencié à l’AS Porto-Vecchio) a sifflé au milieu des champions d’Europe. Il est l’invité de l’entretien du lundi où il raconte cette expérience inédite.

Comment as-tu réagi lorsque tu as été contacté pour participer à l’entraînement de l’équipe de France ?

Nous avons été sollicités par Emilien Mattei, le président de la CTO corse, qui avait été mis au courant par Olivier Buy. Ma réaction ? Comme un enfant qui ouvre son cadeau de Noël avec des étoiles plein les yeux.

C’était un jour férié, vous aviez prévu autre chose ce jour-là ?

En fait, nous sommes tous les deux élus à la Ligue de Corse et nous avions prévu de faire la route d’Ajaccio à Calvi pour assister à l’entrainement. Alors quand on nous a demandé d’arbitrer, nous étions très contents.

À quel niveau arbitrez-vous tous les deux ?

En excellence 3. J’ai arbitré jusqu’en N1F, mais actuellement je n’ai plus de binôme pour arbitrer à ce niveau car Joan ne peut plus être disponible le week-end.

Quelles consignes vous a donné Guillaume Gille ?

Il nous a indiqué ce que les joueurs allaient proposer en terme d’attitudes défensives. Il nous a dit de nous adapter mais d’arbitrer tout à fait normalement.

As-tu ressenti une forme d’appréhension ?

Cela a été très difficile au début. Sur les premiers coups de sifflet, j’ai ressenti beaucoup de stress. Ensuite, l’attitude des joueurs a fait que l’on s’est très vite détendus.

Les joueurs vous ont-ils mis à l’aise ?

Nedim Remili a blagué avec nous, Nikola Karabatic a eu aussi un petit mot au début puis à la fin. Cela fait plaisir de voir ces stars internationales aussi avenantes.

Et justement, comment as-tu été réussi à passer du statut de spectateur, voire de fan, à celui d’arbitre ?

Forcément quand on a l’habitude d’arbitrer de la N3 masculine par exemple, c’est très différent. Avec l’équipe de France, toutes les passes vont là où elles doivent arriver. Les tirs sont presque tous cadrés. Les relances des gardiens sont impeccables. Tout va très vite en fait. C’est très agréable et cela donne vraiment envie d’aller voir plus haut.

N’était-ce pas trop délicat de siffler des fautes ?

Il y avait pas mal de joie de vivre sur le terrain donc les coups de sifflets n’ont pas été si nombreux. Mais quand il a fallu mettre une sanction de 2 minutes à Remili… Je me suis s’approché de lui avec mon bras levé qui arrivait juste à la hauteur de sa tête (rire). Cela fait bizarre car ce sont tous des armoires à glace par rapport à nous.

À la fin de cet entraînement, as-tu partagé un petit moment avec les joueurs ?

Pendant que la séance de dédicaces se mettait en place, nous avons pu discuter avec les joueurs avant que les enfants arrivent. Ils étaient tous avenants et c’était agréable d’échanger. Depuis notre petite île, cela nous parait inaccessible. Vivre ces moments, c’est vraiment appréciable.

Tu es élu à la Ligue, arbitre mais pratiques-tu encore ?

Je joue toujours en pré-nationale et le plus haut où j’ai évolué, c’était en N3, mais j’étais trop juste. Je joue au poste d’ailier gauche ou de demi-centre.

Et tu as pu échanger plus particulièrement avec Kentin Mahé qui évolue dans le même registre…

En tant que spectateur et amoureux du handball, c’est l’un de mes joueurs préférés pour ne pas dire que c’est mon favori. Par exemple, je manque clairement de bras alors j’adore jouer « passe-pivot ». Je sais ce dont il est capable et je bave de voir ce qu’il sait réaliser. J’adore ce joueur.

Comment ont réagi les enfants de ton club, Handball Ajaccio Club, qui faisaient partie des heureux élus dans les tribunes ?

Ils étaient une petite quarantaine. On s’est pas mal fait brancher car il semble que j’étais bien pâle avant de débuter (rire). Au moment des pauses et à la fin, les enfants me disaient de demander des maillots, etc…

Était-ce la première fois que tu croisais les Bleus ?

En 1996, Claude Onesta était venu avec l’équipe de France et, en tant que client de la Caisse d’Épargne, j’avais été invité. J’avais pu participer à un moment en commun mais cette fois-ci je ne m’attendais pas à ce que les joueurs soient aussi accessibles.

Crois-tu que les enfants qui étaient présents puissent être inspirés pour se tourner vers l’arbitrage ?

Je l’espère. J’essaie, au sein du club, de leur montrer que tout est possible. Si on n’a pas le niveau suffisant en handball, on peut voir plus haut soit en arbitrant, soit en entraînant. Avec Joan, en 2017, nous avions participé aux finales de la coupe de France à Bercy. Nous avions arbitré la finale régionale féminine entre le CHB Auneau et l’ES Colombienne. Pour nous, c’était quelque chose d’énorme et on ne pensait pas faire un truc encore plus grand dans notre vie. Mercredi, même si c’était seulement un entrainement, c’était plus fort que devant 8000 personnes à Bercy, en terme d’émotions. Cela avait rendu fiers nos familles, nos coéquipiers et nos dirigeants et là, à nouveau, nous avons démontré que l’on peut accéder à quelque chose de grand même si on n’est pas doué avec un ballon.