Dimanche soir à Debrecen, l’équipe de France féminin a décroché son ticket pour les demi-finales de l’EHF EURO 2024. C’est la cinquième fois de suite que les Bleues joueront une demi-finale européenne. L’ailière gauche Chloé Valentini revient sur la compétition, mais aussi sa centième sélection, ainsi que sur sa récente élection au Conseil d’Adminitration de la FFHB.
L’équipe de France s’est qualifiée ce dimanche pour le dernier carré de l’EHF EURO 2024. Qu’as tu ressenti après la rencontre ?
En toute honnêteté, ce n’est pas simple de réaliser car il nous reste encore une rencontre à jouer. J’ai vraiment envie qu’on la gagne pour finir premières du groupe. On progresse match après match et il faut qu’on gagne contre la Hongrie mardi afin de passer un nouveau cap. Dans notre jeu, mais aussi dans notre confiance. Ce n’est pas simple de réaliser, mais c’est important de se le dire parce que c’est bien !
En zone mixte dimanche soir, tu insistais sur le fait que tu ne sois pas encore championne d’Europe. En quoi ce titre te tient particulièrement à coeur ?
La première chose, c’est que je suis une compétitrice, je ne joue pas un match pour le perdre et je ne pars pas un mois de chez moi pour revenir les mains vides à la maison. Je sais aussi la difficulté de remporter une médaille, quelle que soit la couleur. J’ai déjà fait deux EURO et je n’en ai gagné aucun. Bien sûr que ça me tient à coeur et c’est quelque chose qui me manque. Ca m’anime au quotidien. On fait du handball tous les jours et on doit trouver des objectifs pour toujours rester en éveil. Et être championne d’Europe, ça en fait évidemment partie.
Pendant cette compétition, l’équipe de France renvoie une sensation de calme et de sérénité. Est-ce juste une image ?
C’est ce qui fait la force de l’équipe de France, on a confiance en chacune d’entre nous. On sait ce que chacune d’entre nous peut donner, mais aussi ne pas donner, et c’est presque plus important que le reste. C’est la réalité des choses. On se connait très bien, il y a une vraie stabilité parmi nous, ce qui peut nous aider dans les moments compliqués. Le changement de staff met une nouvelle énergie, de la fraicheur. On a un fonctionnement différent entre nous, avec des réunions par exemple. Tout le monde s’est emparé de ce regain d’énergie pour propulser l’équipe de France vers l’avant.
Ce qui ressort des propos de Sébastien Gardillou, c’est que les joueuses sont peut-être encore plus propriétaire du projet de jeu qu’elles ne l’étaient par le passé. Quel est ton ressenti ?
Je ne vais parler que pour moi. J’ai beaucoup échangé avec Seb’ et j’ai besoin d’être libre dans mon jeu, de ne pas me poser cent questions, sinon c’est le moment où je commence à faire n’importe quoi. J’ai un jeu atypique pour une ailière et j’ai besoin d’avoir un cadre, mais de pouvoir faire ce que je veux dans ce cadre. Maintenant, on a un projet de jeu qu’on connait bien depuis plusieurs saisons, et c’est sûr qu’il y sans doute moins besoin pour le staff d’être directif car on sait toutes ce qu’on a à faire.
Te souviens-tu où tu étais en 2018, quand l’équipe de France a été championne d’Europe pour la dernière fois ?
Je n’étais pas dans l’équipe, je suis arrivée juste après, mais j’étais au match. Si je me souviens bien, on était à la Maison du Handball avec Besançon, à l’occasion d’un séminaire d’entraineurs. Il fallait une équipe professionnelle pour animer cette séance, avec Emmanuel Mayonnade comme coach. Et je crois me souvenir, Raphaëlle Tervel, qui nous entrainait à l’époque, avait négocié qu’on vienne pour cette séance si on pouvait aller voir la finale de l’Euro à l’Accor Arena.
En tribunes, comment on vit un tel moment ?
Je n’étais pas en équipe de France mais ça me faisait envie ! Tu vois la salle remplie, les filles gagnent, je pense que pour elles, c’était des émotions inimaginables. De l’extérieur, ça avait l’air fou. Ce n’était pas un rêve pour moi d’y arriver un jour, je n’ai jamais eu trop de rêves dans le handball. J’ai toujours fait les choses petit à petit, je me suis toujours donné de petits objectifs, et en 2018, je me suis dit que si déjà j’étais en équipe de France une fois, ça serait top.
L’eau a coulé sous les ponts puisque tu as fêté ta centième en préparation contre l’Angola. T’arrives-tu de te retourner pour voir le chemin parcouru ?
Je l’ai fait en octobre, quand Sébastien nous a laissé une semaine de repos. Je n’avais jamais pris le temps de me poser et de réfléchir à tout ça. Quand j’ai eu la centième, ma première réaction ça a été “que cent ?!” Bizarrement, j’ai eu l’impression que ça passait pas vite, que ça fait trop longtemps que tu y es. Mais quand tu te poses, tu te dis que bon, cent matchs, ce n’est pas rien. En plus Estelle fêtait sa deux-centième en même temps, et comme c’est quelqu’un avec qui je m’entends super bien, ça a été sympa.
Quel regard porte la Chloé Valentini de 2024 sur la Chloé Valentini d’il y a six ans ?
Il y a eu du chemin, j’ai bien changé, j’ai bien évolué. Je suis arrivée en équipe de France en étant en découverte et prenant tout ce qu’il y avait à prendre et aujourd’hui j’ai une place un peu plus importante, on va dire. Je n’ai pas changé, je suis restée fidèle à mes valeurs, mais je sais pourquoi j’en suis arrivé à là. Je mesure le travail accompli, j’en suis là grâce à ça et aux gens qui m’ont soutenu. Ce n’est pas facile tous les jours, je suis quelqu’un qui me remet énormément en question mais par contre, j’ai appris à me poser et à me dire que ce que je fais c’est bien.
Ressens-tu un peu de fierté d’avoir un tel palmarès ?
C’est dur à dire, mais oui, je suis fière de tout ça. J’ai un parcours classique mais en même temps atypique, je viens d’un petit village où il n’y a personne. Je suis restée longtemps à Besançon, je suis arrivée en équipe de France en y jouant encore, dans une équipe qui ne faisait pas la Champions League. Après je suis parti à Metz, où je suis déjà depuis quelques années. Donc forcément, arriver tout en haut après un parcours comme ça, ça rend fière.
Tu disais que tu étais dans les tribunes pour la finale de l’EURO 2018. Qu’est-ce que ça fait d’être maintenant sur le terrain et d’être celle que les plus jeunes regardent avec envie ?
Je n’y crois pas trop ! Mais quand tu vas sur les réseaux sociaux, tu vois qu’il y a des petites filles ou des parents qui te suivent, qui disent qu’ils regardent ce que tu fais. Je trouve ça beau, j’ai envie de leur montrer une belle image du handball, et du handball féminin. J’ai la sensation que notre équipe renvoie une belle image avec de belles valeurs, qu’on procure aux gens plein d’émotions positives. C’est que du positif ! Ca me fait toujours penser à ma petite nièce qui me regarde à la télé et qui chante la Marseillaise en saluant le public. Je trouve ça génial qu’il y ait des petites filles qui soient devant leur télé pour nous encourager.
Tu as récemment été élue comme représentante des joueuses professionnelles au bureau de la Fédération Française. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
C’est un honneur et une responsabilité pour moi d’avoir été élue. J’ai été sollicitée par Cléopatre Darleux, car il semblait logique que quelqu’un qui évolue en équipe de France, qui joue en France soit au bureau. En début de saison, Cléopatre n’avait pas encore de club, d’où la sollicitation. On sait que la situation des handballeuses professionnelles est déjà bien meilleure que celle d’il y a quelques années, mais il y a toujours de la place pour s’améliorer, et c’est ce que je vais essayer de mettre en place, en collaboration avec les autres instances fédérales.
As-tu déjà des axes de progression en tête ?
Pas encore vraiment, pour être honnête. J’ai été assez accaparée par la saison avec mon club de Metz et avec l’équipe de France depuis un mois pour y penser vraiment. Je pense essayer de faire le tour des clubs français, voir si les filles qui y jouent auraient des choses à faire remonter, et ensuite tout regrouper pour dégager quelques axes principaux. La fédération a toujours fait son maximum pour aligner le traitement des handballeuses et des handballeurs, et je suis persuadé qu’il y a plein de choses à faire pour faire encore progresser notre statut.