Né en Métropole, le champion du monde et d’Europe a découvert le handball à l’ASC Ducos, presque par hasard. Mathieu Grebille nous raconte ici son parcours qui l’a mené de Paris à… Paris en passant par Madinina…
« Mes parents vivaient en Métropole, et je suis né à Paris en 1991. Ma mère était dans le spectacle, danseuse et mannequin, et mon père était professeur d’EPS. C’est ma mère qui a des origines antillaises. Nous retournions ainsi parfois en Martinique pour les vacances. Et puis mon père a eu l’opportunité d’occuper un poste là-bas. Mes parents ont considéré qu’il s’agissait d’une belle opportunité de se rapprocher du reste de la famille. On est parti en 1999. J’allais avoir 8 ans.
C’est forcément un peu difficile de quitter tout ce que tu connais, même si j’étais alors très jeune et avec très peu d’attaches. Et puis, je savais que j’allais dans un endroit plutôt sympa, et je me souviens avoir été très content, finalement, de leur décision.
Je ne jouais pas encore au handball lorsque je suis arrivé en Martinique. Mon père était plutôt dans le rugby. Je faisais du sport tous les jours, parce que je débordais d’énergie. Je me souviens que je rentrais à la maison après l’école, et que je multipliais les galipettes et les roues dans l’appartement. Pour me canaliser, mes parents m’ont mis à la gymnastique, le lundi soir. Mais dès que je revenais à la maison, je recommençais mes galipettes et mes roues…
À l’école, je touchais aussi à un peu tous les sports : sport de combat, rugby, athlétisme, notamment les lancers et le saut en hauteur… J’ai dû commencer le handball en CM2, à l’ASC Ducos. Au départ, je voulais faire du basket, mais il n’y avait pas d’équipe. Mon oncle, le frère de ma mère, était dans le handball, mes cousins aussi. Ducos était un très bon club avec beaucoup de jeunes. Il y avait une classe handball dans le collège où mon père travaillait. Je ne voulais pas forcément l’avoir comme professeur, mais le fait de pouvoir intégrer cette classe avec tous mes copains était une opportunité qu’aucun de nous ne voulait laisser passer. C’est comme ça que l’on s’est tous inscrits dans cette classe de 6e. Là, on a pratiqué avec l’UNSS et le club, et tout s’est enchaîné.
J’ai accroché, parce que j’ai performé assez vite. Surtout, j’ai connu un pic de croissance à partir de la 4e. Je mesurais 1,70 m, et j’ai grandi d’un centimètre chaque mois pendant dix-huit mois d’affilée. À la base, je jouais plutôt demi-centre ou ailier, mais avec ma taille, j’ai glissé à l’arrière.
J’ai intégré le Pôle Espoir du François en seconde. Mon père n’était pas convaincu de l’utilité d’y aller dès la 3e. On commençait très tôt le matin, je partais en bus. Stéphane Cordinier venait de remplacer Patrice Lecoq, et j’ai vécu mes deux années avec lui.
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J’étais, je crois, parmi les bons joueurs. J’avais ce côté de vouloir être le meilleur, de performer. Devenir professionnel ? Je ne savais pas alors vraiment ce que ça signifiait. Mais plus j’avançais, plus je voyais ça se passait bien. Alors que j’étais en 2e année au Pôle, j’avais 15-16 ans, j’ai intégré l’équipe senior de Ducos. Je jouais avec l’un de mes entraîneurs qui m’assurait que comme j’étais jeune, j’allais prendre des coups et qu’il vaudrait mieux me protéger en me faisant glisser à l’aile. Mais j’ai commencé arrière, et je mettais beaucoup de buts. Je prenais aussi beaucoup de coups mais ça se passait vraiment très bien. Au point que Stéphane Cordinier m’a demandé si je considérais vraiment ma progression au sérieux. Lorsqu’il a été convaincu, il m’a conseillé de partir.
J’étais très tenté par Montpellier, le plus grand club français. Mon parrain habitait sur place, sa soeur étaient d’ailleurs mariée à un ancien handballeur, et ma grand-mère vivait à Toulon. Tout s’est alors enchaîné très vite. Stéphane a envoyé un courrier à Montpellier. Dans le même temps, j’ai été retenu dans une équipe de France hybride avec les joueurs des générations 91/92. En décembre 2007, j’ai été appelé pour un stage en Suisse. J’ai d’abord été accueilli à Arcachon où un ami de la famille, Jean-Luc Arassus, connaissait très bien Patrice Canayer. J’ai échangé avec lui. Il a discuté avec Patrice et je suis parti à mon stage. En février, j’ai pris part à un nouveau stage avant les Jeux Méditerranéens, et Patrice Canayer m’a proposé de venir à Montpellier. J’ai évidemment honoré l’invitation. Le premier soir, j’ai été invité à Bougnol pour un match contre Paris. Je me vois encore traverser le vestiaire occupé par des joueurs que je ne voyais qu’à la télévision ! Et puis j’ai été reçu dans un vestiaire à part part Frédéric Anquetil et Patrick Teyssier. J’ai visité les installations du Creps, discuté avec le psychologue, Philippe Salas. Et puis j’ai pris part à un entraînement avec le centre de formation. J’avais revêtu le maillot de mon oncle, qui jouait au Guadeloupe Université Club, avec un maillot jaune et bleu. Tous les joueurs avaient la tenu du club, toute noire, et moi j’étais en jaune, on ne voyait que moi ! J’ai fais cet entraînement, et ça s’est bien passé. Il y avait Adrien Di Panda, Luka Karabatic et quelques autres encore. Le lendemain, j’ai participé à un autre entraînement, et le club m’a confirmé son intéressement. J’avais un mois pour donner ma réponse, mais, au fond de moi, je savais que j’allais dire oui.
Derrière, j’ai été appelé pour la préparation à l’Euro avec les 90/91, les Kentin Mahé, Valentin Porte…. Le stage était au mois de juin. J’étais à la fois très content d’avoir cette opportunité de disputer une telle compétition, mais aussi un peu inquiet de l’enchaînement, parce que cela signifiait un départ de chez moi un peu précipité. Finalement, je n’ai pas été sélectionné, et j’ai pu profiter à fond de l’été. Mes parents m’ont toujours poussé à aller au bout de mes rêves. Ils avaient bien conscience que c’était-là une opportunité unique et m’ont convaincu que j’avais pris la bonne décision.
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Le premier départ n’a pas été le plus dur. Je savais que je partais pour quatre mois et que je reviendrais à Noël. Mais là, ça a été vraiment dur quand il a fallu repartir, fin décembre. Ce sont les vacances qui sont passées le plus rapidement de toute ma vie. J’étais dans le confort de mon île, bien au chaud, et je savais alors que je n’allais plus rentrer avant un an, et qu’en plus j’avais le baccalauréat à passer. Et puis j’ai eu ce bac, et tout a commencé à rentrer dans l’ordre.
Malgré les difficultés, à aucun moment je n’ai regretté mon choix. C’était parfois dur de ne rentrer que l’été, parfois à Noël, mais mes parents venaient parfois en Métropole et on trouvait ainsi une sorte d’équilibre. J’ai passé dix ans de ma vie en Martinique, et même si je me suis vite attaché à Montpellier, je reste fier d’avoir vécu là-bas, fier de ce parcours qui a contribué au joueur que je suis devenu. J’ai de moins en moins de relations directes avec les gens là-bas parce que j’y vais de moins en moins souvent, et que chacun évolue et bouge au fur et à mesure. Mais je suis toujours attaché à la Martinique. J’y suis allé deux fois avec ma fille. J’avais envie de lui faire découvrir cet endroit merveilleux. Mon petit dernier a 8 mois, il n’a pas l’âge de comprendre les choses, mais je l’emmènerai lui aussi. Je suis fier de ce mélange de cultures. C’est même une chose que je revendique. D’ailleurs, je me souviens que nous avions évoqué cela lors d’un stage avec l’équipe de France au cours duquel il y avait Cédric Sorhaindo, Wesley Pardin, Jean-Jacques Acquevillo et même Dylan Garain le Guadeloupéen.
La Martinique a toujours eu de grands talents dans ses structures. Ce qui peut faire la différence, parfois, je le pense en tout cas, c’est de sauter le pas. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est nécessaire. Je me souviens de jeunes joueurs qui considéraient que jouer au Pôle et dans un club suffisait à leur bonheur. Ils privilégiaient une forme de confort, c’est un choix de vie. Tout le monde n’est pas obligé de devenir professionnel, mais si on le souhaite vraiment, il ne faut pas hésiter à se donner les moyens. J’espère que d’autres Martiniquais viendront bientôt en Métropole. Que d’autres talents émergeront. »
Propos recueillis par Philippe Pailhoriès
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FICHE TECHNIQUE
Président : Frédéric Flamand
Responsable Pôle Espoir filles : Virginie Lamant/Clément Compas (entraîneur)
Responsable Pôle Espoir garçons : Virginie Lamant
Joueuses issues du territoire : Anne-Emmanuelle Augustine, Lindsey Burlet, Laurane Cossou, Laurine Daquin, Délia Golvet, Christelle et Stella Joseph-Mathieu, Coralie et Déborah Lassource, Katty Piéjos.
Joueurs issus du territoire : Joël Abati, Jean-Jacques Acquevillo, Patrice Annonay, Swann Béral, Stéphane Cordinier, Andry Goujon-Bellevue, Mathieu Grébille, Gauthier Lauredon, Edynio Linère, Noam Loche Ertus, Théo Monar, Aurélien Padolus, Wesley Pardin, Drevy Paschal, Marc-Alexandre Saussay, Cédric Sorhaindo et Yvan Vérin.