Du 9 au 17 mars 2025, la ville de Varna, en Bulgarie, a accueilli le championnat du monde des nations émergentes masculines. Un tournoi marqué par une innovation notable : tous les matchs ont été arbitrés non pas par deux, mais par trois arbitres, dans le cadre d’une expérimentation menée par l’IHF.

Parmi les arbitres présents, Loriane Lamour et Mathilde Cournil participaient à leur première compétition sous l’égide de l’IHF (elles ont décroché leur badge EHF l’an passé) « Tous les matchs ont été sifflés en trio. Ce n’était pas une sélection spéciale, mais une organisation voulue pour tester ce nouveau dispositif sur l’ensemble du tournoi », expliquent-elles.

Un troisième arbitre : le “side referee”

En plus du binôme habituel – un troisième arbitre a été introduit, appelé “side referee”. Positionné sur le côté du terrain, à hauteur des 9 mètres, il intervenait dans une zone spécialement aménagée, délimitée dans l’espace technique et interdite au coach pendant le match. « C’est un poste qui permet d’avoir une meilleure visibilité sur certaines zones du jeu, comme les ailes ou les zones de contact proches. Il peut même siffler un 7 mètres s’il est mieux placé que ses collègues », décrivent les deux arbitres bretonnes.

Une rotation permanente

Le fonctionnement s’appuie sur une rotation fluide entre les trois arbitres, à la manière d’une horloge. Chacun évolue tour à tour sur les différents postes, à chaque arrêt de jeu : penalty, exclusion, remise en jeu… Un système exigeant, mais rapidement pris en main grâce à une formation initiale et un match test organisé la veille du tournoi. Ce troisième regard, latéral, vient affiner l’analyse des situations clés. Les oreillettes, comme en arbitrage classique, permettent une communication continue entre les trois officiels. « On garde nos protocoles de discussion sur les décisions importantes, mais avec trois points de vue, c’est souvent plus riche », soulignent celles qui incarnent la relève des sœurs Bonaventura.

Une première prometteuse

Encadrée par Per Morten, formateur norvégien de l’IHF, l’expérimentation a fait l’objet de debriefings réguliers, après chaque rencontre, et de réunions collectives. Des ajustements ont été opérés en cours de tournoi, en fonction des retours du terrain. « Ce n’est pas plus simple, car c’est nouveau, mais c’est clairement enrichissant. Ça nous sort de notre zone de confort et ça nous pousse à voir le jeu autrement », poursuivent Loriane Lamour et Mathilde Cournil. Une première expérience prometteuse pour un arbitrage à trois, qui pourrait bien s’inscrire durablement dans le paysage du handball international.

Un dispositif en construction

Si l’arbitrage à trois a été mis en œuvre tout au long du tournoi, il a aussi été progressivement affiné. « Il y a eu des petits ajustements au fil des matchs : qui siffle l’engagement, dans quelle configuration on pourrait tester deux arbitres de champ ou deux de but, etc. Ils ont essayé plusieurs choses, et plus ça avançait, plus ils nous apportaient des précisions », racontent les deux arbitres françaises. L’introduction du jeu à 7 et des attaques à deux pivots a notamment soulevé de nouvelles questions : « Le side referee peut vraiment apporter une plus-value dans ces situations. On a travaillé sur ses déplacements, son positionnement optimal… Tout cela s’est construit pendant la compétition. »

Acceptation des décisions : pas de grand changement

Interrogées sur la réaction des joueurs à cette nouvelle configuration, les deux arbitres ne relèvent pas de différence majeure. « Le tournoi s’est bien passé. Les décisions ont été acceptées comme d’habitude. » Même en cas de décisions impactantes, comme un passage en force ou un geste dangereux, l’ajout d’un troisième arbitre ne semble pas avoir bouleversé l’attitude des joueurs : « Ce n’est pas tant le nombre d’arbitres que la proximité immédiate avec l’action qui change la donne. Dans les situations tendues, on est plus rapidement plusieurs autour des joueurs, ça encadre mieux, mais ça ne modifie pas fondamentalement l’acceptation. »

Une première mondiale… et sûrement pas la dernière

Ce sentiment d’avoir participé à quelque chose d’unique reste fort. « C’était une vraie première, et on a eu la chance d’y prendre part. On a vécu ça en avant-première », confient-elles avec fierté.

Et la suite ? Loin d’être une simple expérimentation ponctuelle, l’arbitrage à trois semble déjà inscrit dans une vision à long terme. « L’IHF souhaite que ce dispositif soit en place pour les Jeux Olympiques de 2032, à Melbourne. C’est un objectif affiché. » Pour l’instant, aucune discussion formelle n’a eu lieu du côté de la France. « On n’en a pas du tout entendu parler ici. Mais si l’IHF le valide, l’EHF suivra, et à terme, la FFHandball aussi. Il faudra forcément tester. »