À bientôt 40 ans (le 26 décembre prochain), Yann Genty a décidé de clore sa carrière internationale à l’issue de la campagne olympique où il a remporté la médaille d’or. Le gardien du Paris SG HB explique sa décision et évoque son parcours atypique qui l’a conduit sur le toit de l’Olympe.

Quel cheminement t’a conduit à renoncer à l’équipe nationale ?
Cette carrière internationale a été courte et intense et ce qui me pousse à arrêter, c’est mon âge. Guillaume Gille a besoin de préparer l’avenir avec en ligne de mire les Jeux olympiques de Paris 2024. Il est évident que je ne participerai pas à ce rendez-vous alors pourquoi continuer ? Si Wesley Pardin ne s’était pas blessé lors du Mondial, j’aurais été le n°3. J’ai eu la chance de faire partie de cette équipe et de remporter le plus grand des titres. Alors que demander de plus ?

N’est-ce pas douloureux de prendre cette décision dans l’euphorie de la victoire ?
Pas du tout. Je suis arrivé tard en équipe de France et lorsque je regarde mon parcours, je le vis hyper bien. Je quitte l’Euro 2020 sur blessure puis je suis n°3 au Mondial 2021 et suite à la blessure de Wesley, je me retrouve à jouer. Ensuite il y a eu le TQO et les Jeux olympiques.

Quel regard portes-tu sur le duo que tu as constitué, comme en club, avec Vincent Gérard ?
Je suis extrêmement fier de notre complicité. Avec Vincent, nous avons essuyé des critiques sur nos prestations au Mondial 2021 et sur notre saison avec Paris. Finalement nous avons fait de très beaux Jeux olympiques et Vincent a été élu meilleur gardien. Pour ne pas seulement parler de la performance sportive, nous avons aussi fait preuve de cohésion et beaucoup échangé pendant les matches. Il faut aussi souligner le rôle des coaches et de Jean-Luc Kieffer qui nous ont apporté de la confiance.

Raconte-nous cette 55e minute en finale lorsque tu rentres pour un 3e jet de 7m face à Mikkel Hansen alors que le score est de 23-21…
C’est Vincent qui me fait rentrer en me disant : « tu vas l’arrêter, ne t’inquiète pas. » Sur les deux 7m précédents où j’étais resté sur la ligne de but, je sentais que je n’étais pas si loin. Sur le match précédent, Guillaume m’avait fait rentrer sur un 7m, face à l’Égyptien Yaya. Je suis resté à 4m et je ne l’ai pas arrêté. J’ai reçu alors plein de messages en me demandant : « mais pourquoi tu ne restes pas sur la ligne ? » En réalité, j’ai anticipé car je ne voulais pas montrer à Hansen que peut-être en finale, je resterais sur ma ligne. Il faut dire que Hansen fait danser les gardiens et que je n’avais pas envie de danser devant tout le monde. Je ne suis pas un super danseur (rire). Et finalement Hansen manque celui qu’il ne fallait pas rater.

À la fin du match, tu étais très ému, pour ne pas dire que tu pleurais comme une madeleine. Est-ce un rêve qui se réalisait alors même que tu ne l’avais peut-être pas imaginé ?
Si, en réalité c’est un rêve de gosse car depuis tout petit, j’ai voulu en faire mon métier. Je jouais déjà au moment de la médaille de bronze des Barjots et très peu de handballeurs vivaient alors de leur sport. Pendant toutes ces années, j’ai regardé l’équipe de France à la télévision et le doux rêve s’éloignait. Ce qui est arrivé est juste incroyable. Il y a deux ans, jamais je n’aurais pensé que je chanterais l’hymne national avec la médaille d’or autour de cou à Tokyo. C’est mon histoire et j’ai effectué un retour sur toute ma carrière en pensant à ces entraîneurs qui ont douté de moi.

Yann Genty vient de stopper un jet de 7m du redoutable Mikkel Hansen, à un instant crucial de la finale des Jeux olympiques de Tokyo. (Photo FFHandball / Iconsport).

Pendant toutes ces années, as-tu vécu comme une injustice de ne pas être appelé, ne serait-ce qu’une fois en sélection ?
Non pas du tout. Le sélectionneur fait ses choix et surtout il y avait un monstre en puissance. Titi (Thierry Omeyer) jouait tous les matches. Il n’en a pas loupé beaucoup et il a remporté tous les titres. Je me suis dit que j’appartenais à la mauvaise génération. C’est un peu la même situation aujourd’hui pour les gauchers en équipe de France. À l’heure actuelle, tous ne sont pas pris mais cela ne veut pas dire qu’ils ne seront jamais pris !
Alors je suis fier de ne jamais avoir lâché même si j’ai eu des doutes et que je me suis posé des questions. Quand Titi arrête, tu n’es pas pris, tu te dis que tu es trop vieux et que c’est normal qu’ils en appellent d’autres. Quand Julien Meyer ou Robin Cantegrel sont convoqués, tu te dis que le sélectionneur mise sur l’avenir. Et finalement, tu finis par être appelé et tu termines champion olympique. C’est un message pour les gardiens, il ne faut jamais rien lâcher.

As-tu cultivé finalement ta technique atypique ?
Mais je n’ai pas eu d’autre choix. Lorsque j’ai débuté, je n’ai pas travaillé avec des entraîneurs spécifiques. Vincent (Gérard) a eu Jean-Luc Kieffer, Rémi Desbonnet a travaillé avec Branko Karabatic et Kevin Bonnefoi avec Christian Gaudin. J’ai donc essentiellement appris tout seul. Damien Pellier qui jouait à Créteil, m’a appris quelques trucs. Aussi Nicolas Lemonne à Cesson alors que j’avais déjà 32 ans. Et aujourd’hui, à 39 ans, j’apprends encore des trucs qu’on enseigne aux gamins. Mais bon, avec mon style, les vieux de la vieille, comme Michaël Guigou ou Luc Abalo, me disent que je les perturbe bien…

Pour parler des anciens, ta position était particulière, à la fois doyen de la sélection et l’un des moins capés…
Je remercie vraiment l’équipe de France et les anciens. Ce n’est jamais évident de rentrer dans une telle équipe avec des monstres qui ont tout gagné et écrit l’histoire de notre sport. Ils t’intègrent vraiment bien et tu te sens en famille, ce sont tes frères. Même s’ils ont connu d’autres aventures, sur ce titre olympique, ils étaient tellement fiers pour nous, les novices, que nous partagions ce titre au terme d’une incroyable aventure.

Quels moments retiendras-tu de tes 27 sélections ?
La première et la dernière ! Lors de la première sélection en Lituanie, j’ai eu ma petite larme lors de l’hymne national et derrière je me suis fait chambrer par les copains. En plus, cela c’était assez bien passé. Et lors de la dernière sélection, il y a eu l’hymne avant le match et sur le podium. Nouvelle larme. La boucle est bouclée.

Yann Genty et Dika Mem à la Maison du Handball lors de la préparation des Jeux olympiques. (Photo FFHandball /J.Schlosser).

Alors cette médaille d’or, tu en prends soin ?
J’ai failli la perdre plusieurs fois (sourire) alors j’ai mis un GPS dessus. Sérieusement, je la garde précieusement. Si on devait me voler cette médaille, le titre, on ne pourrait pas me le prendre.

Et tu as gagné aussi en notoriété ?
J’aime bien être tranquille et en effet cela fait bizarre quand on vient te voir ou qu’on te reconnait dans la rue. Les J.O. sont clairement plus suivis qu’un Mondial ou un Euro, alors en plus avec la médaille d’or…  Mais je suis toujours le même.

Comment va s’écrire ton avenir à l’issue de ta dernière année de contrat avec le Paris SG HB ?
Avant de signer le Suédois Palicka, le club m’avait prévenu mais je m’étais préparé à cette éventualité. J’ai envie de continuer à jouer, d’apporter ce que je peux apporter. Si cela intéresse des clubs, qu’ils n’hésitent pas (sourire). À 32 ans, je voulais m’engager pour quatre ans avec mon club et on me rétorquait que j’étais trop âgé. À 39 ans, je joue pour le PSG. Si dans la tête tu as envie, le reste suit. Pour l’après-carrière, je vais débuter, à la rentrée, une formation d’entraîneur pour faire une mise à jour des diplômes que j’ai obtenus dans le passé.

Propos recueillis par Hubert Guériau

Sur la première marche du podium olympique, les Bleus à l’unisson pour entonner la Marseillaise. (Photo FFHandball / Iconsport)