une apothéose collective

Au retour des Jeux olympiques de Sydney où ils ont échoué en quarts de finale dans un climat délétère, les Bleus ont un énorme défi à relever : le championnat du monde 2001 organisé dans l’hexagone. La première compétition d’envergure depuis le Mondial 1970 où l’équipe de France était sortie au 1er tour. Dans le sillage des Bleus du foot 1998 qui ont remporté la Coupe du monde au Stade de France, les handballeurs français vont sacraliser le Palais Omnisports de Paris-Bercy. Par Hubert Guériau.

« Je n’ai pas trop envie de revenir sur ce but face à l’Allemagne. C’était un tir à l’instinct… » rapporte Jackson Richardson qui permit à l’équipe de France d’arracher le match nul avant la victoire en prolongations pour rejoindre Bercy et son dernier carré. Car après un 1er tour maîtrisé à Nantes, l’équipe de France a rallié Albertville : si elle a facilement disposé du Portugal en huitièmes, elle a bien failli sombrer face à ses meilleurs voisins. L’Allemagne de Stefan Kretzschmar mène encore au score à une poignée de secondes du terme mais un sublime tir à la hanche de Jackson Richardson, l’icône mondiale, libère la France du handball qui triomphera le dimanche suivant dans un Bercy en fusion. C’est le début de la préparation du Mondial qui marquera à jamais Jack, le capitaine des Bleus. À Dunkerque, Daniel Costantini organise une réunion et sollicite ses joueurs sur une question cruciale. « Il m’invite à sortir afin que les joueurs se rassemblent entre eux pour décider si je reste capitaine, raconte pour la première fois Jackson. Pendant un quart d’heure je suis dehors et j’attends que le verdict tombe : je suis encore capitaine. C’était un moment fort qui m’a fait grandir… »

Naturellement pour le Marseillais, il n’était pas question d’humilier la star mais bien de responsabiliser ses joueurs. Un coup de managérat brillant. Le Mondial s’achèvera sur une image émouvante : Jackson Richardson main dans la main avec Daniel Costantini en direction du podium doré. « C’était un geste spontané. Daniel était toujours resté à l’écart des podiums. Je savais que c’était sa dernière compétition et c’était normal qu’il soit enfin sur la photo. » À Bercy, l’équipe de France peine à se défaire de l’Égypte qui a mis à terre la grande Russie en quarts de finale. Le match est âpre mais Jackson Richardson et ses coéquipiers ne ratent pas l’occasion de disputer une 3e finale mondiale, après celles de 1993 et 1995. Les conditions d’un dénouement sublime sont réunies face un adversaire de taille : la Suède championne du monde et d’Europe en titre. Stefan Lövgren (qui sera élu MVP) porte la marque à 22-21, à 18 secondes du terme de la finale. Bruno Martini relance sur Bertrand Gille : le meilleur pivot de la compétition transmet à Joël Abati qui lance Grégory Anquetil. L’ailier droit déborde Ljubomir Vranjes et bat de près Peter Gentzel. Les deux équipes sont envoyées en prolongations où renaitra Patrick Cazal pourtant victime d’une entorse de la cheville au milieu de la 2e mi-temps. « Blessé, Papat (Cazal) était en pleurs mais il n’a pas voulu laisser tomber ses copains », se souvient Jackson Richardson.

André Garcia qui commente avec Philippe Gardent pour France 2, en vient même à citer ses confrères de Pathé Sports : Stéphane Stoecklin est debout à l’instar des 13 500 spectateurs de Bercy-hand. Même au sommet de l’État, qui vit une période de cohabitation, Jacques Chirac et Lionel Jospin sont à l’unisson aux côtés d’André Amiel, bras levés et tout sourire. Les Bleus de Daniel Costantini, qui vit son ultime match à la tête de la sélection, remportent les prolongations, 6 à 3 (score final 28-25). Les handballeurs français, trois ans après les footballeurs, sont sacrés à Paris et entrent un peu plus dans la légende du sport français.

Aujourd’hui manager général du Paris SG HB, Bruno Martini fut aussi le héros de la finale du Mondial 2001. Si le jeune Thierry Omeyer a gardé la cage tricolore pendant plus de 35 minutes (9 arrêts), c’est Bruno Martini (aussi 9 arrêts) qui bouclera la rencontre. « J’avais eu une discussion avec Daniel Costantini au début du Mondial car je ne comprenais pas sa façon de gérer les gardiens, raconte aujourd’hui le Provençal. Daniel m’explique alors qu’il ne fonctionne pas comme les Yougoslaves, qu’il préfère finir avec son meilleur gardien. Titi joue la 1ere mi- temps puis débute la 2e. Je rentre et Daniel me ressort rapidement. Puis se présente un penalty avec Lövgren. Je rentre et je l’arrête. C’est un moment important qui empêche les Suédois de prendre le large. Je savais où il allait tirer. Il tirait sans feinte, croisé en bas à droite du gardien. » À 18 secondes du terme, le gardien qui a déjà été sacré champion du monde en Islande, encaisse un but de ce diable de Lovgren. « Je savais qu’il restait peu de temps mais pas précisément. Je relance puis je vois Grégory, qui était très rapide sur quelques appuis. Il fixe Vranjes et part vers l’extérieur. Il faisait souvent cela. Je suis en suspens, pour moi il n’y a plus de bruit malgré les 15000 spectateurs. Ce but, il est allé se le chercher tout seul. Sur le moment, je ne l’apprécie pas à sa juste valeur. Je reste très concentré car ce n’est pas tout à fait fini. »

« Cette finale est unique parce que tous les ingrédients sont réunis et nous avons tous nos familles dans les tribunes de Bercy. Pendant les prolongations, le soutien du public et l’intensité dramatique ont décuplé les émotions. » Face à une équipe suédoise favorite, les Tricolores se détachent finalement pour remporter le 2e titre mondial. « Factuellement, nous étions moins forts mais nous avons toujours été solides dans les moments importants. Nous étions la meilleure équipe pendant cette quinzaine. » Et l’ancien gardien de se souvenir des paroles de Daniel Costantini à l’amorce du 1er tour à Nantes. « C’est ma dernière compétition. J’arrête après alors ne me considérez pas comme un obstacle mais comme un soutien. Il y avait eu des remous pendant les JO et il a mis tout le monde devant leurs responsabilités. Il a cadré l’histoire du capitanat et il a pacifié le groupe. »

résultats

Tour préliminaire : France – Algérie : 23-13 / Koweit – France : 14-30 / France – Brésil : 29-19 / RF Yougoslavie – France : 20-22 / France – Argentine : 28-19
Huitièmes de finale : France – Portugal : 23-18
Quarts de finale : France – Allemagne : 26-23 (22-22 ; a.p.)
Demi-finales : France – Égypte : 24-21 / Suède – RF Yougoslavie : 25-24
Places 3 et 4 : Égypte – RF Yougoslavie : 17-27
Finale : France – Suède : 28-25 (22-22 ; a.p.)